La rencontre d'Harnol et d'Irrita

La nuit était bien avancée quand Harnol acheva son tour de garde. Le garde qui devait le remplacer était une jeune recrue, comme on en trouvait tant dans la Cité impériale, grouillant et s'agitant tels des grenouilles autour d'une mare. Harnol en était à sa seizième année de service mais il n'en supportait pas plus les tours de gardes ! A force d'avoir cheminé le long de l'épaisse muraille, cette dernière n'avait plus de secrets pour lui. Il en connaissait chaque nouvelle fêlure et l'accueillait comme une ride; il pouvait situer l'emplacement de chaque meurtrière. Et il n'en connaissait pas moins les larges vallées qui s'étendaient au loin. Combien d'heures avait-il passées à contempler un soleil couchant ou une longue file de marchands qui, suivant la route principale, pénétrait la Cité.

Les deux soldats se saluèrent solennellement. Harnol reconnut dans le regard du soldat la fierté et le caractère des hommes de Sipahan. Ils se sourirent; comme si, bien que l'un ait connu trop d'hivers et l'autre trop peu, ils étaient émus par un même sentiment. un sentiment complexe et difficile à définir...même pour celui qui le ressent ! Ce sentiment grise l'âme et le cœur, il éveille dans chaque être l'héroïsme et l'honneur ! Ce sentiment est celui qui donne au forgeron, son amour du labeur; celui qui confère au prêtre, sa foi et à l'aventurier sa soif d'exploit.

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