~Les Grands Elémentaires. ~
Bonnes gens, qui dans ces rues allez d'un pas pressé, arrêtez vous donc quelques minutes. Ca n'vous coûte rien d'vous abandonner à l'écoute d'un conte. Oui, d'un conte. Un grand classique s'il en est, un mythe en trois actes. Cela n'vous évoque rien ? Réfléchissez un peu. Il était une fois...Il fût des hommes, nés d'un alliage étrange. Trois sont connus, d'autres sont à naître. Qui sait, certains sont peut-être déjà sur ces terres, parcourant le monde ?
Ces hommes que j'entoure de mystère ont une aura liée à leur naissance. Il existe nombre de thèses sur leur venue au monde. Je commencerai par le plus ancien, père de nos Mages, dompteur de la Vie.
Xün, enfant des Âges Sombres, né il y a de ça deux mille automnes. D'où le plus grand des Thaumaturges tenait-il son pouvoir ? Lui, l'entropique enchanteur guidant à l'instinct les flux de Magie, posa les bases d'un Art aujourd'hui reconnu, parfois détourné.
On raconte qu'il fût conçu durant la Semaine du Feu, dans des îles septentrionales aujourd'hui disparues. Ce furent quelques jours d'un chaos indicible, où Magie sortait de Terre par les gueules béantes de volcans faits de roche et d'eau. La légende dit qu'il n'y eut spectacle plus beau. Toujours est-il que Magie sortant de Terre, tout ce qui environnait l'éruption fût touché par l'antique Pouvoir.
Et donc, Xün, à naître, reçut sa part de Magie. Qui se méla à son essence et en fit un presqu'humain, gorgé de pouvoir. Il fût élevé dans la chaleureuse humeur de son île, enfant rêveur et humble, hors du temps de ses semblables, doux mais distant. Xün appris à manier air, feu, glace en les déplaçant par Magie. Comme aux Dieux des origines, Magie permettait à ses sorts de donner vie aux Eléments. Son pouvoir n'était pas unique, d'autres avaient été touchés de Magie pendant l'éruption. Mais sa puissance, elle, était inégalée. Il vécut, dit-on, cent cinquante ans.
Il découvrit que Magie, Souffle de Vie, pouvait ramener pulsation primordiale et âme dans les corps inanimés de ses semblables. Il comprit le danger d'un tel pouvoir et voulut cacher sa découverte. Mais parmi ses pairs, une jeune magicienne, Dhamirgä, enviant son talent et voulant l'égaler, eut vent de sa découverte. N'ayant pas autant de ressource, elle échoua en partie. Elle ramena des Morts à la Vie, mais n'arracha pas leurs âmes aux griffes de Nethfer. Elle ne ressucitait pas. Elle ranimait, et les corps sans âme étaient soumis à sa volonté.
Le Premier des Mages sentit la levée des morts au sein de son île. Dhamirgä, enivrée de pouvoir, avait dressé les cadavres hors de terre par centaines. Puis, elle désira contrôler l'île. Elle ordonnait à ses zombies et goules de massacrer les habitants, puis elle ranimait ces cadavres frais. Xün, devant une telle atrocité, n'eut pas le temps de réagir. Le Premier Mage et la Première Nécromancienne furent les seuls vivants de l'île. Et Dhamirgä voulait rester la dernière, se vengeant par là même de n'avoir pas la puissance pure et naturelle qu'elle désirait tant. Xün, à moitié fou devant l'horreur de la situation, voulut détruire les créatures levées de terre et leur créatrice.
L'assaut débuta de nuit, au clair de lune. Les monstres arrivaient par dizaines, centaines. Xün puisait dans toute la profondeur de ses ressources et les repoussait avec le feu, la glace, et la foudre. Mais il en arrivait toujours plus, et ceux tombés étaient relevés par leur maîtresse. Au bout de trois jours de combats acharnés, épuisé, Xün contempla la nature dévastée de sa terre natale et les Non-Morts toujours aussi nombreux. Dans un accès de fureur et de désespoir, il regroupa toute son Energie vitale, sa Magie, et la libéra de toute la puissance de sa volonté, englobant l'île. L'atmosphère devint chatoyante, bourdonnant d'énergie. Puis tout se mit à fondre. La Nécromancienne, ses créations, les restes de nature dévastée par le combat. L'île tout entière fût engloutie par les flots, disparaissant à jamais de la surface du monde.
Quant à Xün, ce fût là sa fin. Son essence se dispersa dans l'assaut, puis retourna au centre du Monde où le Souffle de vie s'étend encore en une lente spirale.
Xün, le premier des Mages. Mais aussi le premier de ceux qu'aujourd'hui nous appelons, nous, bardes et badauds, Grands Elémentaires. Vous souvenez vous de ses deux pairs ?
Il y a à peu près sept cent ans naquit dans les Monts du Nord un nain. Son nom était Ghün, et on dit qu'une part de son essence n'était pas naine ; pas même humanoïde. Ghün était un Nain, mais un Nain mélé de Pierre.
Il fût élevé dans le respect des traditions naines. Très vite, dans cette période troublée, on commença son entraînement aux armes. Ses instructeurs étaient impressionnés par ses talents, mais surtout par son caractère. Sa force brute et sauvage était guidée par une volonté de Roc et un caractère à la rugosité des parois des montagnes. Il devint le meilleur combattant, se servant de deux haches avec précision et force. Mais son talent militaire ne s'arrétait pas au simple maniement des armes.
Adulte, Ghün progressa assez vite dans la hiérarchie. Son caractère dur comme du granit, froid comme dur marbre, lui permettait d'analyser toute situation détaché de ses émotions. Il ne voyait pas l'horreur d'un combat, mais le moyen de vaincre. Il ne voyait pas la boucherie, mais comment garder l'avantage. Où, du moins, remplir des objectifs bien précis.
Il devint Général d'une partie des armées naines dans le combat contre les trolls, faisant la fierté de sa famille. Il avait été choisi pour son courage, ses talents de stratège et la rectitude de son esprit, sculpté aux motifs de l'Honneur et du Devoir.
Il vit la trahison de Bromor II de Roc-Rétif. Il vit sa famille, des enfants, des civils, des désarmés, les Barbes Blanches du Conseil et des plus hauts gradés de l'Etat Major, massacrés par ces bouchers aux longues jambes. De même qu'un de ses éclaireurs lui rapporta le carnage des cinquante Justes. Il organisa la riposte, aidé des survivants de l'Etat Major. Et il se servit de la Pierre des Montagnes pour avoir l'avantage.
Tremblements de terre, éboulements, rien n'épargna les traîtres impériaux aux pieds de Kesho. Il y eut des blessés mais aucun morts parmi les Nains, qui se crurent protégés par les Monts eux mêmes. Le sang avait appelé le sang, pas un humain qui ne paya le meurtre de familles entières, la tuerie fut totale.
Plus tard, ce fût encore Ghün qui mena son peuple à Käg-Hal, la cité secrète. Les villes étaient intenables, certains durent fuir au loin. Pour préserver son peuple et rester dans leurs terres de naissance, Ghün fit un don énorme. Poursuivis par les humains, il resta à l'arrière. Guidé uniquement par son honneur, il fit face, accompagné seulement de son aide de camp, Mârhv. Le reste de son peuple fût guidé et protégé par l'armée jusqu'à la cité. Ils virent, impuissants, des milliers d'humains arriver sur les deux nains. Puis ils ne virent plus les humains : un mur d'aiguilles rocheuses, désormais protection et masque de l'entrée de Käg-Hal, ravagea une part de l'armée.
Ce mur, c'était Ghün, qui par là a rejoint son Elément d'origine, la Roche immuable et noble des montagnes. Quant aux nains, ils prirent grand soin du courageux Mârhv, qui, ayant vu son maître se muer en granit sous ses yeux, sombra dans la folie. Ils vivent désormais en paix dans la beauté architecturale de Käg-Hal sous la protection de leur plus dévoué général.
Il est temps de parler du dernier des Grands Elémentaires connus. Il ne créa pas de discipline primordiale, ne sauva pas son peuple. Du moins, pas exactement.
Dynn naquit il y a de ça deux siècles. On ne connait pas exactement son origine, donc on ne peut que supposer les conditions qui on amené à mêler un Elément à son essence. On suppose qu'il s'agit d'un incendie.
De même, on ne connait rien de son enfance, sa famille n'étant pas renommée et lui même se déplaçant souvent. Il ne se fit connaître qu'à partir de son adolescence.
Ce que l'on sait, en revanche, c'est qu'il était d'un caractère brulant, insaisissable. Il fut un grand duelliste, agile et voltigeur. On ne sait où il apprit à manier la rapière, sa lame fine et légère, mais on sait qu'il était imbattable l'arme en main. Et qu'il ne tuait jamais un adversaire. Et nous, troubadours, savons aussi que c'est de lui que nous viennent tous nos plus beaux poèmes d'Amour. Car s'il est un domaine où on est sur qu'il fût le plus grand maître de tous les temps, c'est bien les sentiments les plus forts que l'Humanité puisse ressentir.
On ne compte plus les aventures qu'on lui attribue, plus d'une centaine dit-on. Il était Passion, et multiple, presque incarnation de la face aimante de Sikeh. Il aima toutes les femmes qu'il fréquenta, réellement consumé d'amour. Consumé, c'est bien le mot.
Il était Passion et Ardeur la lame à la main, insaisissable. Il était Passion, Amour Brulant dans les bras de ses belles.
On lui doit la disparition, dit on, de la belle Izya de Clair-Vallon, noble fille du baron de Clair-Vallon, du côté de Tristerive. Il est dit qu'un matin, le seigneur retrouva la chambre de sa fille en cendres. On raconte qu'Izya a accompagné son amant dans son retour à son Elément au cours de leur étreinte. Dynn n'a vécu qu'une trentaine d'années, mais ce furent trente années dévouées corps et âme à la Passion Amoureuse.
Voici l'histoire des trois Grands Elémentaires. Bien sur, il existe des Elémentaires plus courants, mais seuls ceux là sont Hommes-Eléments, et pas simple esprits d'un Elément.
Une prophétie dit que quand tout les Eléments auront trouvé une incarnation, les races des Hommes, Nains et Elfes passeront à un statut supérieur, se rapprochant des Dieux. Ces Vers Sacrés disent aussi que les autres races trouveront une évolution, et que commencera enfin une nouvelle ère, régénératrice.
Amis, noble auditoire, je n'ai pas pris trop de votre temps. Les vieux mythes méritent d'être rappelés à votre mémoire, et celà vaut bien quelques minutes de cette journée. Tout'fois, Il se peut qu'vous estimiez qu'mon récit vaut plus que quelques minutes. Dans c'cas, mon escarcelle se fera une joie d'accueillir vos piécettes...
(Rédigée par Glorac)