Vieilles connaissances

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Post n°9
Lysirael

Le pas se fit pesant plus il s’éloignait de la taverne. La vipère était certes une garce qui n’avait pas hésité une seconde à fuir mais voilà, elle avait été un court instant, une possible connaissance sur les terres. Le visage de Lysirael était fermé, baissé sur ses bottes encore humides. Ses lèvres s’étirèrent en une moue narquoise avant de bien vite fondre. Quelle gamine faisait elle à ainsi s’attacher à de brèves rencontres. D’un geste un peu rageur, elle se frotta le poignet que le garde lui avait serré.

« Chien du pouvoir ! » marmonna-t-elle en grondant.

Mais bientôt, le ressac bruyant des vagues sur les quais la tira de ses pensées sombres et anarchistes. Levant le visage, son regard s’illumina et retrouva la flamme qui l’habitait la plupart du temps. Dans un sourire à peine contenu, elle respira à pleins poumons l’air chargé de relents de poissons et de sel marin.

Des hommes s’affairaient sur les quais, chargeant et déchargeant les navires présents. Des hommes dont les traits étaient si profonds qu’ils semblaient gravés dans leurs chaires. Des hommes dont les sourires édentés n’étaient pas offerts à tout va et dont l’amour allait à une seule femme, l’océan.

Lysirael s’avança avec aisance entre les monceaux de cordages et les piles de caisses et de tonneaux jusqu’à une petite porte de bois sombre dans le mur. Avec nonchalance, elle s’y appuya et savoura un infime instant le bien être qu’elle ressentait à l’instant. Le large encore et toujours la ramenait à lui.

Soudain, la porte contre laquelle elle s’était adossée s’ouvrit dans un craquement et la jeune fille fut comme happée dans la pièce obscure qu’elle offrait. La pirate voulut pousser un cri mais une main ferme et glacé se plaqua ses lèvres manquant de l’étouffer.

« Chuuut, chuuut ! Tais-toi ! »

**Toi je te connais !**

Dans un mouvement souple, Lysirael se libéra de l’étreinte et fit volte face, donnant par la même un violent coup d’épaule à son agresseur. Un petit homme nerveux, couvert de rides et de crasses se répandit sur le sol dans une grimace. Lestement, la pirate dégaina son long sabre d’abordage et retroussa les lèvres en une mimique menaçante.

« Toi ! Que fais-tu ici ? Je te croyais à la botte de ton maitre…à moins que… »

Malheureusement pour elle, elle ne fut pas assez rapide et une lame fine se plaqua contre sa gorge.

« A moins que quoi, damoiselle ? »

Le vieillard toujours au sol, se leva brusquement et s’épousseta inutilement.

« Monseigneur, j’ai tenté de… »

« Il suffit. Jamais on ne saurait maitriser telle furie, crois moi mon bon Starn. »

La lame se retira lentement et regagna un fourreau d’argent et d’or, pendu à une ceinture. Lysirael fit un nouveau bond se tenant hors de portée de lame. Son regard brillait avec fougue.

« Thorec, que me vaut l’honneur de ta présence ? »cracha t elle avec mépris.

Un homme de belle stature, vêtu élégamment se tenait désormais devant elle. De longs cheveux blonds cascadaient sur ses épaules et ses yeux bleus brillaient d’une flamme étrange.

« Mais toi, bien sur, ma chère Lysirael. Ton retour ici bas, n’était pas une chose à laquelle je m’attendais vois tu. Et où se terre donc ton satané père, dis moi ? Il semble qu’il nous restait quelques propos à régler. »

Le regard de la fière jeune fille se troubla.

« Mon père ne te doit plus rien ! »

Un doigt sur le menton, l’homme semblait réfléchir ou plutôt considérer un fait nouveau.

« Ainsi donc, les rumeurs seraient vraies… »

Le silence de la pièce en devenait presque oppressant. Le sabre toujours tendu, vibrant presque dans l’air si lourd, Lysirael ne lâchait pas des yeux l’homme qui s’était perdu un court instant dans ses pensées.

** Que fait-il donc ici, ce bourgeois ? Je croyais qu’il avait rejoint les armadas…**

Ses lèvres se retroussèrent en une moue animale et ses prunelles sombres étincelèrent. Thorec avait été longtemps l’ennemi de son père, le harcelant sans cesse, récupérant son équipage par de vils marchés. Mais un jour le père de la jeune fille avait réalisé un pacte dangereux dont les issues étaient encore obscures au regard de Lysirael. Et depuis cette époque lointaine, les conflits avaient cessés, Thorec avait vogué vers d’autres océans et dans l’esprit de la jeune fille, il avait peu à peu perdu sa place.

**Pourtant, le revoici ce fils de garce !**

Lys se mordit la lèvre et lâcha un grognement sourd. Cependant, la voix claire et posée de Thorec le couvrit avec aisance.

« Allons donc, ton père ne serait plus parmi nous…Voilà une bien triste nouvelle, en vérité. Car malgré tout, il était un homme bon, un pirate d’un ancien temps, trop éloigné peut être… »

Un petit sourire mesquin vint tinter de rosé les lèvres de l’homme. D’un geste pompeux, il rejeta une mèche blonde de son front et posa ses yeux océans sur Lysirael. D’un regard, il la jaugea ce qui eut le don de faire bouillir le sang de la pirate, et s’approcha.

« Ainsi donc, c’est avec toi, très chère que je vais devoir traiter. Non pas que cela me soit déplaisant…bien au contraire. »

D’une main, il voulut effleurer la joue de la pirate mais celle-ci releva avec hargne son sabre. Avec effronterie, elle cracha à ses pieds avant de replonger son regard de braise dans celui froid de son compagnon qui n'avait pas bougé d'un pouce.

« Bien, parlons donc affaire dans ce cas… » dit-il d'une voix neutre.

« Je n’ai aucune envie de faire des affaires avec quelqu’un de ton espère Thorec, alors n’espère rien de moi ! »

Les lèvres du pirate s’étirèrent et se fendirent en un rire glacial qui se déploya dans la petite salle. Son attitude changea légèrement et un rictus mauvais déforma ses traits.

« Parce que tu crois avoir le choix, ma chère Lys ? Ton père m’a caché durant toute sa vie ce que je veux et désormais, je vais l’obtenir que tu le veuilles ou non, crois moi. Allez Lys, donne moi cette vieille carte et nous n’en parlerons plus. Tu ne me verras même jamais plus. Je te le promets… »

Un petit rire gras s’échappa du petit vieillard qui observait la scène. Il se frotta les mains avec force tout en guettant la réaction de la pirate. Celle-ci s’était déplacée de quelques pas, se tenant à une distance agréable de Thorec. Son visage était marqué par le flot incessant de pensée qui s’écoulait dans son esprit concentré. Au mot ‘carte’, cependant, elle eut une moue surprise. Une carte ? Son père lui aurait il caché quelque chose ? Mais ses idées s’interrompirent rapidement lorsqu’elle entrevit la porte. Le passage jusqu’à elle était désormais libre de toute entrave et en courant suffisamment vite, elle aurait peut être une chance de semer Thorec dans les rues.

**Oui mais les patrouilles…si elles me retombent dessus, je suis bonne pour le cachot moi…**

En un éclair, toutefois, Lysirael prit sa décision et s’élança d’un bond vers la porte.

[Chers MdJs, Lysirael pourra-t-elle sortir de la pièce et gagner les rues ou Thorec sera-t-il plus rapide qu'elle? Mici ]
Erg : Tu le dépasses de peu, si tu fais une pause il passera très rapidement devant toi.

Sous un coup de pied brutal, la porte s’ouvrit devant elle et les embruns de l’océan proche fouettèrent le visage de la jeune pirate. Sans un regard en arrière, elle se précipita sur les quais, sautant aisément les monceaux de cordes et slalomant entres les tonneaux. Dans son dos, résonnait le claquement sec des bottes de Thorec. Elle se mordit la lèvre. Il l’avait suivi bien entendu. Accélérant un peu plus, elle tenta de mettre une bonne distance entre lui et elle, vainement. Les pas étaient toujours aussi proches. Décidant de quitter les quais, elle s’enfonça un peu plus dans une ruelle empestant le poisson pas frais. Plissant le nez, elle ne ralentit pourtant pas un instant.

« Ca ne sert à rien Lys ! Donne-moi cette carte ! »

Lysirael se laissa posséder par un frisson profond. La voix masculine avait vibré dans son dos. Si proche…

**Trop proche**pensa la jeune fille en observant avidement les environs.

Mais rien ne laissait paraitre un recoin ou elle aurait pu se faufiler. Prenant un virage au pas de course, elle emprunta une seconde ruelle plus étroite encore. Les hauts murs couverts de crasses jetèrent sur elle leurs ombres froides de cette fin de matinée. Perdue dans ses pensées de fuite, Lysirael ne vit pas tout de suite les silhouettes qui se découpaient devant elle. Relevant légèrement la tête, elle laissa échapper un hoquet de surprise teinté de peur.

« Fils de garce ! Toujours au bon moment ceux la ! » marmonna t-elle avec rancœur.

A quelques pas à peine se trouvaient les trois gardes qui l’avaient arrêté une petite heure auparavant. Se mordant la lèvre, elle voulut ralentir, espérant qu’ils ne l’avaient pas remarqué. Malheureusement, un des trois hommes se retourna avec une lenteur désagréable et après un court instant de stupeur la pointa du doigt.

« La petite de toute à l’heure ! »

Lysirael pilla net, lorsque la patrouille s’élança vers elle. Tournant frénétiquement la tête dans tous les sens, elle chercha un échappatoire ultime. Mais la ruelle est si étroite qu’elle ne pouvait que contenir les protagonistes. Se mordant la lèvre au sang, elle se sentit perdue. Dans un geste désespéré, elle dégaina son sabre, le regard brûlant de colère.

**Tout ca à cause de ce bourgeois ! **

Des pas résonnèrent également dans son dos. Thorec l’avait aisément rattrapé. Le claquement se fit plus régulier puis s’arrêta. Au grand désarroi de Lysirael qui n’avait osé se retourner, elle n’entendit plus rien, si ce n’était la respiration saccadé de son poursuivant. Pourtant les hommes de la garde s’approchaient toujours. Dans quelques pas, ils auraient la main sur elle. Serrant entre ses doigts son sabre, Lysirael se prépara au combat qui allait certainement être à son désavantage.

Mais dans un mouvement brusque et douloureux, elle s’écroula sur le sol. Ses paupières se fermèrent alors que deux bras puissants la recueillaient.