[Cardiff McPrague] Itinéraire d'un médecin

Cardiff McPrague
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- S’il vous plaît, sauvez mon enfant !

Implora une femme entre deux âges, ruisselante de larmes, tenant un jeune garçon d’une demi-douzaine d’années qui se vidait de son sang au niveau de l’abdomen. Si personne ne faisait rien, il allait périr, c’était certain. La scène se déroulait au beau milieu d’une route, proche de la ville de Hek’Adir qui se dessinait au loin et pointait le bout de son immense nez. L’homme à qui la geignarde s’adressait semblait vieux, usé jusqu’à la moelle à première vue. Porteur de binocles, vêtu d’une blouse blanche – ce grâce à quoi la femme l’a sûrement abordé – et une face de sociopathe, comme si tout ce qui l’entourait n’était bon qu’à le laisser dans son coin. Le vieillard, qui, malgré ses cheveux bruns, paraissait atteindre la soixantaine voir plus, regarda la femme sans tourner ses yeux vers le blessé.

- Par pitié, sauvez-le, sauvez mon fils, il est tombé dans une carrière. Pitié, s’il vous plaît, pitié !

La douleur alarmante d’une mère face au proche décès de son enfant arracherait une larme à quiconque, le docteur, lui, resta de marbre. Sa valisette comportant son matériel médical pendant au bout de son bras. Il observa la dame des pieds à la tête, vêtements mal rapiécés, les ongles noirs et la peau couverte de boue, il daigna enfin ouvrir la bouche.

- Vous avez de quoi payer ? Maugréa-t-il, de sa voix raillée, grave. Prise au dépourvue par cette annonce qui, normalement, devait venir après avoir apporté les soins. La femme s’arrêta de pleurer et balbutia.
- Que… Que… Je, non, mais je vous promets de vous remboursez plus tard. Puis, la sirène d’alarme se remit en route. Mais je vous en conjure, sauvez mon enfant, il a fait une chute dans une carrière de pierre. Répéta-t-elle.
- J’fais pas dans la charité, ma p’tite dame.

Et sur cette dernière phrase, témoignant d’une économie de mots caustique au possible, il continua son chemin. Laissant un gosse mourir dans les bras de celle qui l’avait mise au monde, interloquée, abasourdie, des yeux demandant au monde pourquoi un homme de médecine piétinait la déontologie de son métier comme s’il s’agissait d’un simple paillasson vieux de trois plombes.
Une vingtaine de minute plus tard, le médecin nommé Cardiff McPrague se trouvait aux portes de la cité, fermées en ces temps de guerre. Il leva la tête vers un des gardes siégeant sur les hautes palissades de bois.

- Je me nomme Cardiff McPrague, médecin itinérant. Je viens ici dans le simple but de trouver un refuge permanent et, pourquoi pas, un peu de travail en votre ville.

Ainsi, il attendit la réponse du garde.