L'Ivrogne, le Tordu et la Fouine

[L'attaque de Hautesylves]

“... Le vieux Clane !”, voilà tout ce qu'entendit le chevalier des Rétives. Qui était donc ce timbre qui osait le héler avec tant d'outrecuidance ? Il se tourna donc, se retourna et se détourna, cherchant quelque part la voix qu'il avait entendu. Voix particulière d'ailleurs. Il se rappelait vaguement de celle-ci, bien qu'elle fut plus aiguë et plus guillerette. Une prostituée sur le retour ? Difficilement probable. Il se toruna une dernrèe fois pour observer le second niveau puis vit, entre les arbres et les quelques maisons compressées qui étaient accoudées aux murailles un jeune homme portant les frustres typiques des aventuriers sans le sol.

Sans vue était encore perçante, mais il ne savait qui il avait en face de lui. Il s'approcha donc, l'air mauvais et menaçant. A mesure qu'il avançait, son visage devint de plus en plus ronchon. Ses sourcils froncés vinrent se poser au dessus du minois du gandin, inquisiteurs. Et puis un sourire se forma sur la figure ridée et dévorées par l'épaisse barbe blonde de Clane, dont le visage s'illumina. “Thelrick, mon cher neveu ?...” Il marque une pause perplexe puis sourit de nouveau de toutes ses dents. “Ah ! Mais bien sûr ! Ce brave Dalw !” Et il s'en alla lui donner l'accolade. Les deux hommes se retrouvèrent donc et se tapèrent sur l'épaule joyeusement jusqu'à ce que.

Jusqu'à ce que Clane enfonce son genou droit dans la carcasse encore bien faite de son neveu. Celui-ci en eut le souffle coupé et tomba presque à la renverse sous le choc. L'attaque avait été une belle surprise. A croire que Clane avait de nombreux neveux pour pouvoir se permettre un coup de genou dans les côtes Dalw lors d'un siège. Le choc passé, Dalw se redressa prestemment, et Clane le prit de nouveau dans ses bras en rian joyeusement. Les moeurs étaient durs chez les seigneurs du Nord.
“Haha ! Ca fait plaisir de te voir ! Mais ne me traite plus jamais de vieillard, est-ce bien entendu ? Haha ! Quelle joie ! Toi, ici ! Ah quelle joie.”, et il répéta ces quelques mots encore et encore.

n°3 Dalw

Tout en passant une main sur ses côtes endolories, Dalw répondit en riant « Je reconnais que tu es encore vert, ou alors que tu caches une armure sacrément solide sous tes chausses ! Sang du nord ne saurait faiblir ! » Il n’en revenait pas, (le vieux) Clane, ici ! Il riait à n’en plus pouvoir, c’était comme découvrir une cache remplie de vin alors qu’on s’apprêtait à manger un rôti avec pour toute boisson de l’eau claire. Et, au creux de la cervelle du jeune Malmaison, quelque chose susurra le mot *association* ainsi que de manière plus discrète *complice*. Cela le fit sourire d’autant plus.

« Quelle joie mon oncle ! » Après force d’accolades viriles, Dalw questionna son parent « Te voir ici, à croire que le sort tient à nous faire un cadeau, ou éliminer deux Malmaison d’un seul coup en veillant à nous faire disparaître sous le flot des deux fois nés. Ahah ! Mais dis moi, tu ne serais pas là avec l’un de tes fils ? Adren ou Olrik le Borgne ? » Clane se gratta sa barbe épaisse alors qu’il semblait à la recherche d’un souvenir depuis longtemps oublié « Olrik ? » Répondit-il perplexe, « Jamais eu de fils de ce nom ». Dalw parut hésiter puis ajouta « de toutes façons, je crois qu’il est mort l’hiver dernier, une sordide histoire de caravane remplie de soldats et non d’or. »

Les deux hommes s’étaient installés sur quelques souches anciennes tandis que chacun contait par quelles péripéties il avait fini en ces lieux. « …et donc j’ai sauté sur le cheval tandis que les gardes arrêtaient la gueuse, revêtues de mes frusques militaires ahah ! Elle n’était pas bien vive d’esprit, mais le lui demandait-on , hein, et a compris bien trop tard pourquoi il me plaisait tant de la voir ainsi vêtue ahaha ! Mais dis moi, et toi, comment t’as fini ici ? T’es accompagné ? Et…une idée de combien on va toucher à la fin de ce foutoir ? Pas que ma bourse soit aussi vide que le ventre d’un affamé mais presque… » interrogea un Dalw toujours intéressé.

Une fois installés sur deux souches, donc, ils palabrèrent, parlant du passé, du présent, du futur. Toujours en terme de gloire, d'argent, d'or et d'acier. Alors que l'on discutait tranquillement, un sombre sire arriva. Il avait l'air hautain, le corps sec des gens que l'on connaît pour être dangereux et sans grand scrupule. A sa ceinture, une épée de bonne facture, dans son dos, un bouclier de bois dont les armes avaient disparu, effacées par le temps et les sillons faits par épées, flèches et gourdins. Entre ses mains, un gros pot en bois.
Une fois arrivé à hauteur des deux hommes assis, Malrys Juli considéra d'un air de défiance le nouveau venu, lequel le lui rendit bien, scrutant parfois la réaction de son oncle, appréhendant ce basané qui le fixait sans beaucoup d'amour dans les yeux. L'oncle en question prit la parole et les devants.
“Malrys, voici mon neveu...” Il hésita un moment. “Mon neveu Dalw de Malmaison, fils d'Olrik, fils de etc., etc.” (La généalogie basique dura encore un certain temps.) “Il m'expliquait comment il avait fini par arriver à Hautesylves pour défendre les couleurs de la justice, de l'honneur et totues ces choses qui sont importantes à un homme de valeurs.”
Il n'en fallu pas plus à Malrys qui, malgré un rictus mi-amusé mi-menaçant sur le visage, s'assit à côté des deux parents et se gargarisa avec une gorgée du liquide que contenait la grosse chope. Après un grand “ah !” rafraîchi qui éveilla la curiosité des deux Malmaison, il fit tourner la chope tout en expliquant d'où elle venait.
“Je suis retourné voir le cuisinier avec qui j'avais quelques griefs. Lorsqu'il m'a revu, vivant et impuni, il a voulu faire la paix. Je ne suis pas un homme mauvais, vous le savez, mais je suis aussi un homme sensible. Aussi lui expliquai-je que malgré mon pardon, sa dénonciation m'avait chagriné, et que je ne l'oublierai pas. Pour se faire pardonner plus décemment, il m'offrit donc cette bière qui, bien qu'un peu lourde, met un peu de baume au coeur (si on peut parler de baume).” Ceci dit, on but la bière avec allégresse et l'on continua à narrer. Ce fut au tour de Clane, qui expliqua qu'après avoir sauvé une famille d'une mort sûre et, plus particulièrement, les trois enfants en les arrachant de leur lit pendant un incendie digne de la géhenne, il rencontra le soldat de l'Oste Royale Rétive Malrys Juli, le basané.
“Nous fûmes envoyés en expédition dans le nord pour traquer les débris d'une armée gobeline s'étant attaqué à l'une des avants-postes de la cité royale et ayant pris la fuite ainsi que pour découvrir leur base arrière.
Une fois leur campement trouvé, nous massacrâmes la quinzaine de gobelins avant qu'ils n'arrivent à leur camp. A nous deux. Malgré l'ivresse que nous infligeaient les vapeurs des alcools que nous avaient offert un ermite que nous avons rencontré dans la montagne, nous en vînmes à bout sans grande difficulté. S'ensuivit une attaque sur le camp qui se solda par plusieurs morts gobelins.
Nous partîmes ensuite avec notre butin et les informations nécessaires, pour la gloire du...” Il chercha ses mots. “Du seigneur de Roc-Rétif.” Ils discutèrent et commentèrent encore un peu ce récit tout chevalresque. Malrys y apporta de nombreuses modifications, plus sobre dans son style que Clane. La conversation fut interrompue par un soldat. Ce dernier leur expliqua que, au contraire des tactiques normales des grandes déploiements de troupes qu'avaient opéré Agramand, il semblerait qu'il y ait des assassins cachés un peu partout dans le premier niveau. Il faudrait donc être particulièrement prudent. Les trois hommes confirmèrent tout en n'en pensant rien et le soldat s'en alla.
“Dalw, c'est décidé. Tu viens avec nous. Cette mission vient juste de devenir assez suicidaire pour emporter deux Malmaison avec elle. Montre-moi que tu vaux aussi bien que ton vieux père. Ahah, quel galant cavalier s'était.” Et il continua à décrire et parler pendant un moment, bien que les deux hommes se chargeaient de donner le change ou de modifier les dires de Clanes (“Hein ? Ta soeur est morte l'hiver dernier ?”).

[L'attaque de Hautesylve]