La planque de Cardigan

Cardigan
Post n°1



Tout était noir. Noir et humide. Seule une bougie éclairait faiblement l'une des trois pièces. Assis derrière une table en bois, un homme se penchait sur un vieux manuscrit. De temps en temps, il repoussait l'une de ses mèches, légèrement secouée par le vent. Les cris des mouettes et les pas des promeneurs ne le faisaient plus relever la tête qu'occasionnellement. Mais parfois, ses yeux quittaient le parchemin et s'aventuraient sur la vieille porte en bois de l'autre côté de la maison. Il s'attendait toujours à la voir voler en éclats, défoncée par trois gardes de la cité. Son métier le poussait à être prudent. Trop prudent parfois... Il ne mangeait jamais de repas qu'il n'avait au moins vu cuisiner sous ses yeux et il maintenait toujours une bonne distance entre les badauds lorsqu'ils le suivaient. Il avait aussi disposé quelques pièges dans le lieu qui lui servait de cachette. Cardigan était un assassin.
Il exerçait ce métier depuis la mort de son père, peu après son premier crime. Depuis lors, il avait affûté ses techniques et sa passion pour l'alchimie se voyait petit à petit récompensée. Armé de sa fidèle dague, il avait déjà exécuté plusieurs contrats avec un certain professionnalisme. Cardigan utilisait parfois des méthodes détournées, tuant ses victimes et faisant alors croire à un suicide, un accident ou tout simplement une disparition. Il pouvait se montrer très imaginatif et il n'hésitait pas user de ses pouvoirs ou dépenser une potion pour faciliter ses missions.

Lentement, il déposa son parchemin. Il s'étira ensuite et éteignit la bougie. L'odeur du soufre s'estompa peu à peu, remplacée par l'odeur des moules. Le vent sifflait à travers les fenêtres - ou plutôt trous - qui entouraient la maison. Celle-ci aurait pu être agréable à vivre si elle n'avait été détruite un siècle plutôt après que son propriétaire, pendu pour sorcellerie, jeta un sort sur un riche marchand. Plus personne n'osait approcher la maison, la croyant hantée et habitée par l'esprit du sorcier. Cardigan en profita pour y établir sa planque. Afin de cultiver la peur des esprits plus faibles, il cachait sa présence et n'en sortait que lorsqu'il était sûr que personne ne pouvait le voir.
Il avait aussi l'habitude de fréquenter les tavernes du port et du quartier marchand. On y trouvait toujours une bonne boisson, des informations utiles et chose plus rare, une cible à exécuter ou au moins un boulot d'intimidation. Cardigan n'était généralement pas regardant dans ses dépenses et de ce fait, il était tout le temps demandeur d'emploi.
- Cent quarante pièces, dit-il satisfait. Plus que ce que je croyais. La soirée va être bonne.

Sur ces paroles étranges, il mit ses pièces dans une bourse de cuir qu'il attacha à sa ceinture et il se vêtit de son inséparable cape grise qui lui recouvrait totalement le visage. Sa dague était toujours près de lui, même lorsqu'il dormait ou qu'il mangeait. Il rangea son parchemin dans un tiroir qu'il verrouilla et il ouvrit la porte, après avoir lancé maints regards via les lucarnes. Enfin, il mit le pied dehors et fut accueilli par une rafale de vent. Laissant flotter sa cape au vent, il se dirigea d'un pas sûr vers les quartiers marchands. Ca et là, des navires déchargeaient - ou embarquaient - des marchandies ou des marins repliaient des voiles et les descendaient à fond de cale. Tout indiquait qu'une tempête se préparait...


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Post n°3
Cardigan





Cardigan sortit précipitamment de la taverne, et d'un pas assuré il se dirigea vers le port. Il déployait toutes ses ruses et ses techniques pour éviter d'être vu, en longeant les murs, se faufilant entre des gardes et en passant par les zones d'ombres pour se dissimuler aux yeux de tous. Il évita aussi les flaques mais restait insensible à la pluie battante. Il s'assurait constamment que personne ne le suivait et il gardait sa main sur la garde de sa dague, au cas où...
Il atteignit enfin le port, après quelques minutes. Il se mêla à la foule qui encombrait les quais et évita du mieux qu'il pouvait les lanternes accrochées aux tavernes et auberges. Il se laissa porter par les passants et il vit de loin sa planque. Au fur et à mesure qu'il approchait, les gens se firent plus rares, évitant systématiquement de passer par cet endroit. C'est alors qu'il vit deux gardes devant la porte de la maison à moitié écroulée et une faible lueur luit à l'intérieur.
L'homme de la taverne avait donc raison, pensa-t-il.
Il s'approcha de la maison et prit une rue perpendiculaire aux quais. Il atteignit le jardin et quand il fut assuré de ne pas pouvoir être vu par quiconque, il retourna la terre à un certain endroit. Il fouilla le sol et après quelques instants, il en sortir trois objets ; un bol en bois, une fiole vide et une bandelette de tissus. Il cacha le tout sous sa tunique et il s'en alla dans l'autre sens.

Cardigan prit instinctivement la direction de la taverne ; sa planque était désormais découverte et il ne pourrait plus y retourner. Il avait sauvé l'essentiel mais il devait se cacher. La taverne était sans doute le meilleur endroit pour ça ; personne ne lui poserait de question et il pourrait toujours trouver un prétexte s'il le fallait. Il quitta le port sans se retourner vers l'endroit où il avait vécu pendant plusieurs années...

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