Le début de la fin et la fin du commencement

Frau der Tod
Post n°1

- A boire, Tavernier ! hurla le groupe d'ivrognes.
- Il faudra peut-être songer à payer vos consommations, râla celui-ci. Vous an avez déjà pris pour 150 or !
- Eh, tu ne me parles pas comme ça.
Le plus grand et le plus musclé se leva, sous les rires goguenards de sa bande. L'aubergiste paniqua et plongea derrière son comptoir, s'attendant à sentir la mort dans son dos.
- Holà, manant ! Attaque-toi à quelqu'un de ta taille !
Un petit couteau extrêmement bien aiguisé se planta dans le comptoir, à quelques millimètres du nez du truand qui s'était penché pour saisir le tavernier par le col.
Une jeune femme le fixait. Elle avait visiblement l'habitude des combats, on racontait même qu'elle avait fréquenté le Royaume des Morts plus d'une fois !
Elle dégaina sa longue épée éprouvée par les ans, tandis que, paniqués, la bande de soûlards s'éloigna de l'auberge.
- Tenez, Tavernier. Voici les 150 or qu'ils ne vous ont pas payé.
Lorsque le tavernier reprit ses esprits, il se saisit de l'argent mais servit une boisson gratuite à sa bienfaitrice.
- Votre arrivée était providentielle.
- Pas tellement, je suis ici tous les soirs.
Le tavernier se sentit pataud : en effet, c'était vrai. Il préféra détourner la conversation.
- La taverne est un lieu d'hommes, vous savez. N'avez vous pas d'enfants ou de mari à vous occuper ?
- Je n'ai jamais été très "famille". Et puis, je ferais fuir tout un bataillon de prétendants.
Elle ôta sa capuche, dévoilant un visage couvert de cicatrices.
- Ma p'tite dame ! Comment cela a-t-il pu vous arriver ?
- C'est une très longue histoire dont je n'aimerais point vous encombrer.
Le silence total se fit dans la taverne. Quoi ? Un récit vivant de capes et d'épées avec sûrement plein de monstres sanguinaires ? Mais qu'elle raconte, bon sang !
Tous les clients tournèrent leurs chaises vers elle.
- Si vous voulez entendre toute l'histoire, il vous faudra revenir ici tous les soirs pendant les dix ans à venir !
- Peu importe, gente dame ! Racontez !
- Gente, moi ? Si vous le dites...
Elle se saisit de la chope de bière que le tavernier lui avait offert.
- Quand il faut y aller, 'faut y aller...

Tout commença au Lac des Larmes. J'étais très jeune à l'époque, à peine vingt ans. Je ne peux pas dire exactement ce qui m'avait poussé en cet endroit qui, ce jour-là, était couvert de brume. Je n'y voyais pas à cinq mètres, aveuglée par le brouillard et mon innocence.
Pendant de nombreuses heures, j'étais restée là à méditer. "Qui suis-je ?" La question est restée en suspens pendant de nombreuses années, mais ma Quête sur Gloire et Honneur a fini par me livrer une réponse plus que satisfaisante.
Cependant, mes amis, je n'y répondrai pas. Hors de question de vous donner une piste afin que vous vous donniez une réponse à vous-mêmes... Tout ce que je peux vous dire, c'est que la réponse existe.
Houlà, je m'égare moi. Je disais donc que je m'étais rendue au bord du Lac des Larmes. J'étais assise sur un rocher, j'entendais l'eau clapoter à quelques mètres de moi. N'importe qui aurait pu avoir un mauvais pressentiment en cet endroit lugubre, mais pas moi : j'ai toujours été profondément solitaire et ce temps n'était pas à mettre un chien dehors.
Le voile de brume était léger mais si dense que je ne pouvais pas voir le soleil au travers. A peine était-il une pâle lueur se déplaçant au fil de la journée ; je ne pouvais pas dire avec précision où il se trouvait ni même s'il était levé ou couché !
Ainsi, je n'ai pas la moindre idée du nombre de jours que je suis restée là-bas. En tout cas, la brume ne s'est jamais dissipée. Et si je l'avais moi-même imaginée ? Après tout, elle ressemblait réellement à la brume qui s'était levée en moi : toutes mes convictions s'étaient envolées, à cause de la question "Qui suis-je ?"
En effet, ma grand-mère était une sorcière et, étant à la septième génération, j'aurais pu avoir accès à ses pouvoirs... En effet, je pouvais, grâce à une incantation, soigner des blessures légères. Mais en sachant que des blessures légères sur tout le corps peuvent tuer un homme, voyez l'étendue de mon pouvoir : contrôle sur la Mort !
J'avais également la capacité de me rendre invisible. Pour une poignée de seconde, je vous l'accorde, mais de quoi désorienter mes ennemis afin de pouvoir leur porter le coup fatal.
Cependant, je ne savais pas si ces deux dons faisaient de moi, oui ou non, une sorcière. Humaine ou sorcière ? Sorcière ou Humaine ? Qui suis-je ? J'espérais de tout coeur ne pas être une sorcière, car le sort qu'on leur réserve est loin d'être enviable : le bûcher. Cependant, je sentais une partie de moi attirée vers cette grand-mère à la septième génération... Je ne pouvais nier être de sa descendance.
J'étais donc assise là, à méditer, lorsque j'entendis un buisson remuer. Quelqu'un, ou quelque chose m'épiait. Ce ne pouvait être qu'un ennemi. A l'époque, je n'étais armée que d'un bâton. Bien décidée à en découdre, je le brandis.
Espèce de courge ! Ce n'était qu'un lièvre. Je me rassis, au fond satisfaite de ne pas encore être en confrontation avec la Mort. Mais celle-ci me cherchait...

Frau der Tod
Post n°2

Vous savez, le pire dans la question "Qui Suis-je", c'est que je n'avais même pas la moindre idée de quel côté j'étais : celui des Anges ou celui des Orcs ?
Je sais, cela vous paraître idiot, mais je peux vous assurer que pendant des années j'ai oscillé entre l'un et l'autre... je pouvais me lier d'amitié avec toutes les créatures, ne me rendant chez elles que lorsque j'avais décidé de passer de leur côté.
Ce jour-là, c'était la première fois que je me posais la question... avec les Elfes, ou avec les Gobelins ? J'étais prise entre deux eaux... et c'était le cas de le dire : le Lac d'un côté, le Marais de l'autre.
Je regardais le Lac, je voyais le Marais au loin.
L'on raconte que son nom vient des soupirs de créatures... plus ou moins étranges. Moi, j'étais entre les deux. Devrais-je rester près du marais (entité neutre) ou devrais-je aller vers le marais (entité maléfique) pour me nourrir du mal qui y régnait, à moins de combattre le mal au nom du bien ?
J'étais prise dans un dilemne, tiraillée d'un côté et de l'autre... à hésiter.

Frau s'interrompit. Autour d'elle, des regards avides ; cela faisait une heure que les chopes de bière ne s'étaient plus vidées. Visiblement, tout son public attendait qu'elle continuât, mais ses souvenirs se mêlaient : qu'avait-elle fait finalement ?
- Qu'avez-vous fait finalement ?
Elle avait tellement tourné en rond durant sa Quête. Qu'avait-elle fait ce jour-là ? Et quel jour était-ce d'ailleurs ? Elle n'en avait pas plu la moindre idée.
- Je suppose que... Oui, je ne suis pas restée près du lac indéfiniment. Je me suis rendue dans le Marais des Soupirs
Elle s'interrompit à nouveau.
- Messieurs, vos femmes et enfants vous attendent.