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 L'adieu à la Vieille

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Aspar Fendor
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MessageSujet: L'adieu à la Vieille   L'adieu à la Vieille EmptyMar 20 Mai - 1:26

Aspar Fendor
Post N° 1


L’adieu à la Vieille


Une longue convalescence trempée de sueurs glacées, et hantée de cauchemars. Après que la fièvre eut disparu, il avait dû lutter pour recouvrer sa vigueur. L’alitement avait fait fondre ses muscles aussi sûrement que les rayons du soleil un miroir de glace dans une flaque. Tous les jours, la Vieille et la Fille au fichu lui rendaient visite. Tous les jours, de ses mains crochues comme les serres d’un oiseau de proie, la Vieille avait nettoyé ses plaies et changé ses pansements. Lorsque la fièvre le dévorait, la Vieille et la Fille au fichu s’étaient relayées à son chevet, comprimant des linges humides sur son corps secoué de frissons. Elles l’avaient changé comme un enfant au maillot. La souffrance et la maladie lui avaient fait abdiquer toute dignité. Ces deux femmes, - alors qu’elles n’étaient ni sa mère ni sa sœur, et qu’il n’était rien pour elles -, avaient combattu autant que lui les assauts de la mort. Dans ses accès de conscience, entrecoupés de délire, il se confondait en remerciements et serraient les mains qui s’affairaient autour de ses blessures…

Lorsqu’il fût sur pieds, Fendor s’acquitta de sa dette comme il put. Il répara le toit de la hutte, faisant sécher les algues déposées par le ressac sur la grève, et les croisant par couches successives et serrées entre des résilles de branchages jusqu’à ce que l’eau ruisselle sans s’insinuer dans le moindre interstice. Il consolida le four de pierres sèches et allongea le conduit de la cheminée pour éviter que la fumée n’envahisse la hutte au moindre caprice du vent. Quand ses forces l’irriguèrent à nouveau, il se confectionna quelques flèches dans les branches les plus droites qu’il put trouver, durcissant les pointes taillées au coutelas dans la braise. La Vieille lui porta assistance, faisant chauffer la colle pour les empennages de plumes. Fendor avait toujours été un tireur valable. Il partit à la chasse, traquant le petit gibier, améliorant l’ordinaire des deux femmes et le sien. La santé revenue, il s’enhardit à forcer des animaux plus conséquents, et tanna leurs peaux. Quelques fourrures s’entassèrent par-dessus l’édredon poussiéreux de la Vieille. Des descentes de lit agrémentèrent le confort des matins frileux. La soupe sentait meilleur le soir et la Fille au fichu prenait des couleurs qui égayaient son visage terne. La Vieille restait la Vieille. Animée par une énergie vitale déconcertante pour ce fagot d’os enveloppé dans du parchemin craquelé. Elle mangeait avec appétit, autant que deux hommes réunis, et la nuit tombant, tirait sur sa pipe en contant les derniers ragots de la Contrée.

Chaque jour, Aspar Fendor songeait à son Père.

Il lui en voulut d’abord. Il ne comprenait pas cette précipitation à le faire quitter le Pays. Avait-il finalement cédé aux critiques de ses Pairs qui regardaient d’un mauvais œil ce cinquième enfant, né d’un deuxième lit, et fruit de l’union contre nature avec une Humaine ? L’avait-il protégé de la jalousie de Naraldor, son demi-frère, l’aîné, héritier des privilèges de son Père ? Ou de la convoitise des époux d’Isindra et de Hawenn ? Colindil était Chef de Clan après tout. N’était-ce pas pour cette raison exclusivement que ses beaux frères avaient fait une cour aussi assidue à ces filles, aussi jolies que revêches ? Mais quel était le lien entre ces venins distillés dans le nœud de vipères de la Tour Orientale, et cette tentative de meurtre sur le navire en partance pour Port-Pergas ? Un des assassins avait parlé d’un contrat. Un contrat sur sa tête.

Et puis, il y avait l’héritage inattendu de son compagnon d’infortune : l’arc et le carquois en peau de chèvres. L’arc était médiocre, mais tirait juste. Il n’avait aucun signe distinctif qui pouvait donner le moindre indice sur sa provenance. Le carquois, lui, était plus singulier. Aspar Fendor n’avait jamais entendu parler de chèvre au pelage si fourni, au poil si long et si bouclé. Le cuir, passé maintenant, surtout après son séjour dans l’eau salée, avait été de bonne facture, et les lanières étaient neuves. Sur la face lisse en contact avec le dos du tireur, un nom avait été inscrit par brûlage. Un nom de Nain : Timonème Ekdur. Et deux lettres runiques enchevêtrées. Le carquois avait été lesté pour rester en place lorsque le tireur bandait son arc. Une plaque de plomb, assez ancienne, frappée à Port-Pergas au chiffre du forgeron qui avait coulé le lingot…

Ce matin là, en s’étirant pour aller attiser les braises, Aspar Fendor trouva la Vieille attablée devant un sac de vieille toile. La Fille au fichu n’était pas dans ses jupes. Ce qui ne manqua pas d’étonner le Demi Nain.


- Tu ne pensais tout de même pas demeurer ici toute ton existence durant, épouser l’autre bécasse et l’engrosser, n’est-ce pas ?

Fendor ne put réprimer un mauvais sourire, mais il étouffa ses sarcasmes sur la Fille au fichu, que la Vieille traitait aussi mal qu’il était possible. Il se dirigea vers le four de pierre, tisonna les braises et jeta une bûche dans le foyer.

- Laisse donc ! Maugréa la Vieille. Elle se chargera de tout ça. Pour toi, Chasseur, il est l’heure de reprendre la route.

- Tu me chasses ? Souffla Aspar Fendor, intrigué.

La Vieille renifla plus fort qu’à l’accoutumée. Presque un grognement.

- Tu sais bien que ce n’est pas de cela qu’il s’agit, Nabot ! Tu es arrivé ici par hasard, blessé au point d’en crever. Tu es guéri maintenant, et bien plus fringuant que tu ne l’as certainement jamais été ! Et tu tournes en rond, bricolant de ci de là. T’acquittant de toutes les besognes. Comme si tu me devais quelque chose…

- Je te dois la vie, tout bonnement ! Protesta Fendor.

- C’est là le problème ! Tu te trompes du tout au tout ! Je suis Guérisseuse, Avorton, et la meilleure qui soit d’ici à Sipahan. Ailleurs, je ne sais pas ! Je n’y ai jamais mis les pieds, et maintenant, il est trop tard pour courir les chemins. Si chaque souffle de vie que j’ai préservé pendant toutes ces années me devait à due proportion l’équivalent de sa couenne en jours de travaux forcés, j’aurais changé de vocation ! Et ouvert le plus grand bagne d’ici à Sipahan ! Ailleurs, je ne sais pas et je m’en fous.

Fendor hocha la tête, réprimant son hilarité.

- Ta vie n’est pas sur ces berges, Bas du Dos ! Il est temps pour toi de reprendre ta route. Et de régler tes comptes. Va, Aspar Fendor ! Et protège ta peau. Tu n’es pas de taille à affronter ceux qui t’ont troué le cuir, Courtes Cuisses. Aussi apprend à fuir lorsque besoin est ! Il n’y a pas de déshonneur à remettre un combat à plus tard lorsque la chance de le remporter est minime ! Va !

Elle se leva, s’appuyant sur son bâton.

- Tu ne peux pas éviter Sipahan si tu veux quitter Amresia. Et Sipahan est bondé de crapules comme celles qui t’ont piqué sur le bateau. Bien sûr, ces chancres te croient mort, depuis le temps. Mais les pêcheurs parlent, surtout dans la taverne lorsqu’ils boivent l’argent de leurs prises. Ta tignasse rouge te rappellera à leur bon souvenir. Tu n’as pas trente six solutions. Ou tu me rases tout ce poil, ou tu changes la couleur et l’apparence.

Aspar Fendor blêmit à la seule idée d’un crâne lisse, luisant et rose et d’un visage imberbe comme les fesses d’un nourrisson. La Vieille ricana.

- J’avais prévu l’affaire ! Je t’ai concocté cette mixture. Avec ça, tu auras le poil aussi noir que les ailes d’un freux, les reflets bleus en prime ! Ca devrait tenir trois lunes, tout au plus. Et encore, la couleur passera avec le temps. Tresse moi cette pelisse, tête, barbe et moustaches, au plus près de ton crâne de microcéphale. Les tueurs cherchent certainement un rouquin hirsute. Sers à ces miasmes un Nabot ténébreux !

Fendor saisit la fiole, décontenancé et dégoûté d’avance de devoir se répandre son contenu huileux et noir comme de la poix sur le chef.

- Et maintenant, file Fendor. Je dirai au revoir à la bécasse de ta part ! Au moins je lui épargne la honte de pleurnicher devant un homme. Allez ! Allez ! Va ! Va !

Elle accompagnait ses admonestations de coups de bâton frappés dans le vide.

Le Demi Nain lui sourit et lui adressa un simple signe de la main, et ceignant son carquois et son arc, prit la route de Sipahan d’un pas décidé.


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MessageSujet: Re: L'adieu à la Vieille   L'adieu à la Vieille EmptyMer 21 Mai - 1:43

Aspar Fendor
Post N° 2

En longeant la rive…

Il choisit de longer la côte.

Le temps le permettait encore. Le vent qui fouettait la rive charriait l’odeur forte de la mer et des algues pourrissant sur les grèves. Les sarabandes des oiseaux égayaient un ciel sans nuage qui plongeait à l’horizon dans l’écume des vagues. Le paysage vibrait dans une lumière blanche, presque aveuglante. L’air vif pénétrait Fendor. Il en tremblait presque et s’essoufflait plus qu’il ne l’aurait crû. Les quatre lunes passées dans le confort de la hutte l’avaient amoindri : il dut se résoudre à admettre qu’il ne couvrirait pas autant de distance qu’il l’avait calculé de prime abord. A ce rythme, il ne rejoindrait Sipahan que dans deux jours. Il ralentit, et se cala sur une cadence qui le fatiguerait moins.

Courir le rivage présentait bien des avantages : ne s’aventurant pas sur les routes, il amenuisait le risque de se faire trancher la gorge par les coupe-jarret et autres rogues qui guettaient le pèlerin et le voyageur à tous les carrefours ; il cheminait à découvert, et ne pouvait se laisser surprendre par l’irruption intempestive de bêtes ou d’humanoïdes en quête de nourriture ou d’aventure : il avait sur eux l’avantage de posséder un arc, d’être un assez bon tireur et il ne s’exposerait pas à la première agression ; enfin, au bord de l’eau, justement, il pouvait espérer ne croiser que peu d’animaux hostiles : ces derniers préféraient le couvert des hautes herbes à la dureté de la pierre blanche qui partout crevait le sol par ici.

Pourtant, il savait que dès que Sol commencerait à descendre, il lui faudrait regagner l’intérieur des terres, en obliquant vers le nord ouest. Il n’avait rien que ses vêtements, son carquois et son arc. Le sac de toile que lui avait laissé la Vieille était désespérément vide, si ce n’était cette outre de peau gonflée par l’eau du puit. Une journée de marche au grand air lui assécherait le gosier, et à la nuitée, l’outre serait aussi flasque que le ventre de sa besace. Il faudrait ravitailler, au puit, à la fontaine ou dans un ruisseau. Se nourrir poserait moins de difficultés : lorsqu’il la faim réveillerait son estomac, au pire tuerait-il l’un de ces grands oiseaux blancs qui joutaient dans le ciel. Avec un peu de chance, il croiserait la piste d’un garenne.

Il appréhendait la nuit à la belle étoile sans couverture. Il se promit qu’avec l’or cousu dans les ourlets de ses vêtements, - ses agresseurs n’avaient pillé que sa bourse, ignorant des astuces des Nains pour protéger leur trésor -, il s’offrirait quelque équipement. Cette nuit pourtant, il lui faudrait dormir enroulé dans sa pèlerine encapuchonnée. Si les Dieux le voulaient, peut-être trouverait-il du petit bois et pourrait-il se réchauffer les os à la chaleur d’un maigre feu.

La solitude lui pesait déjà.

Fendor rêvait souvent à la chaude ambiance de la Tour Orientale. Les Guerriers, de retour de patrouille, narrant leurs exploits, se chicanant pour d’imbéciles détails. Leurs réconciliations et leurs embrassades autour d’un tonnelet en perce. Les entraînements de Charon, le Maître d’Armes, sanctionnant mauvais gestes et postures impropres par le cinglement meurtrier de sa badine en boyaux de bouc tressés. Les chants pendant les veillées. Là bas, la solitude ne pouvait que se confondre avec la mort. On vivait entouré. La franche camaraderie des Nains, leur loyauté vantée jusqu’à l’outrance, tout contribuait à ce que chacun se sente profondément enveloppé par la chaleur du Clan. Et Fendor n’avait rien connu d’autre. Arraché à cette famille, à ces amitiés joyeuses scellées par le sang versé durant escarmouches et embuscades, il souffrait d’un manque presque physique. Ne devoir compter que sur lui-même le glaçait. A Garadgar, lorsqu’il s’abandonnait au sommeil après un raid, il le faisait sans arrière pensée, conscient qu’un autre resterait éveillé pour assurer sa protection ; sans que les choses soient dites, il savait que cet autre risquerait son dernier souffle pour l’honneur de protéger un Frère de Clan ; et lorsque venait le tour du Demi Nain, son devoir s’imposait à lui sans qu’il soit utile d’oser le lui rappeler. Maintenant, là, s’endormir signifiait se livrer corps et âme au destin. Le long voyage entre Garadgar et Sipahan n’avait pas été réalisé dans le dénuement complet qu’il expérimentait sur les rives méridionales de l’Amresia : il avait alors un bon cheval, dressé pour la guerre, qui filait de village en village, de poste à poste, à la vitesse du vent. Il avait une bonne dague, forgée et frappée sur les meilleures enclumes. Il n’avait rien de ce vagabond qu’il était devenu par la force des choses.

Dans le vide de sa vie nouvelle, - il avait le sentiment qu’on l’avait privé d’une destinée écrite pour lui, claire et linéaire, qui se résumait à être le digne fils d’un père d’exception -, il s’était donné des buts simples. D’abord, quitter le continent pour Norgod. Et ensuite, dès son arrivée à Port-Pergas, retrouver la communauté des Nains à laquelle appartenait le malheureux propriétaire de son carquois en peau de chèvre. Il se raccrochait désespérément à l’espoir un peu fou que ce pauvre carquois mité et mangé par le sel serait son viatique pour une existence toute neuve. Si lui ne savait plus que faire de son avenir, les collatéraux de l’archer assassiné lui ouvriraient des horizons possible.

Lorsque Sol parvint à la mie course entre son zénith et son tombeau, Aspar Fendor, rigoureux et fidèle à ses plans, modifia son cap et pressa le pas pour gagner les terres.

La bonne fortune lui sourit sous le plumage doré d’un perdreau qu’il leva à l’approche d’un fourré et qu’il tua d’une simple flèche. Le coup du sort, la veine du pendu ! Il ne s’attirait pas le mauvais œil en jouant les Devins et en tentant de déchiffrer les signes : son père prétendait que celui qui spécule sur l’avenir se met à dos le Chaman !

Mais il loua la gloire de Morken lorsqu’il aperçut à l’horizon les fumerolles d’une cheminée.

Il tomba sur une ferme, minuscule somme toute, mais plus coquette qu’il n’aurait paru au premier coup d’œil. Une chaumière construite dans la pierre blanche des falaises. Un enclos pour une paire de bœufs à la robe crème, musculeux et gigantesques, aux cornes sciées, broutant placidement en dormant. Un puit central rehaussé d’un abreuvoir pour les bêtes. Une grange et une étable, vide quant à elle. Le Demi Nain s’extasia devant la propreté des lieux, et s’étonna qu’une exploitation à l’apparence si prospère, perdue au milieu de nulle part, ne bénéficie même pas d’un mur d’enceinte ou d’une cour fermée…

Il fut accueilli par les aboiements d’un chien à l’attache. Et l’instant d’après, un colosse blond d’une cinquantaine d’année, aussi puissant que l’attelage ruminant dans l’enclos, apparut sur le seuil de la chaumière, non sans avoir baissé la tête pour ne pas se briser le crâne sur le tour de porte taillé dans le silex.

Fendor le jaugea : pour regarder ce bougre là droit dans les yeux et lui parler dans la bouche, il aurait fallu que son père lui monte sur les épaules.


- Ola de la chaumière ! Lança Aspar Fendor d’un ton plus joyeux qu’il n’aurait souhaité, brandissant son perdreau au bout de son bras tendu. Je me nomme Fendor, et je gagne Sipahan. Hospitalité, Messire, hospitalité pour cette nuit !

[Requête MDJs : quel accueil réserve le colosse à Fendor ? Est-il seul sur ses terres ?]
[ Eliz : il est avec toute sa famille et accepte de t'héberger, mais il voudrait une petite rémunération, les temps sont durs ]


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MessageSujet: Re: L'adieu à la Vieille   L'adieu à la Vieille EmptyVen 23 Mai - 2:01

Aspar Fendor
Post N° 3

La ferme des Ridebaie…

De toute la hauteur de ses sept pieds et quelques pouces, Tompance Ridebaie observait le Demi Nain comme il l’eut fait d’un rat ou de tout autre nuisible. Sans méchanceté néanmoins. Et Fendor bénit les Dieux d’avoir éradiqué toute véhémence d’une telle créature. L’Homme devait approcher les 330 livres au bas mot, et chacune de ses cuisses musculeuses, moulées dans des braies trop étroites en cotonnade bleue, pesait plus lourd que Fendor lui-même. Le bliaud du colosse s’ouvrait sur une chemise en lin d’un blanc passé, fermée au col par des lacets. Ses manches retroussées jusqu’aux coudes pendaient sur des avant-bras noueux d’une taille phénoménale. La lumière du soleil couchant dans la figure, il plissait ses yeux minuscules. Lorsqu’il eut jaugé son visiteur, il lança par-dessus son épaule :

- Crumpbelle ! Tu peux sortir ma mie ! Ce n’est qu’un bas-du-cul de Garadgar !

Aspar Fendor sursauta : l’autre enclume ne prenait pas de gants avec ses visiteurs, et il regretta presque de ne plus avoir sa bonne dague pour lui apprendre à traiter de la sorte un Fils des Clans ! Mais il se ravisa aussitôt en apercevant les mains du fermier : l’autre pouvait lui écraser la tête dans chacune d’entre elle, comme il l’aurait fait d’une coque de noix sèche. L’Homme s’appuyait sur le chambranle de la porte et fixait Fendor du regard. Lorsque apparût sous son bras une femme, aussi frêle qu’il était massif, le Demi Nain s’égaya quelque peu. Elle était d’une beauté resplendissante, ses cheveux auburn lâchés bouclant sur son large front. Elle lui décocha un sourire à désarçonner un Orc, et fronça ses yeux noirs à l’attention du monstre.

- Tomy ! Quelle indélicatesse ! Est-ce ainsi que l’on salue un visiteur qui sollicite l’hospitalité avec courtoisie ? Quand laisseras-tu sur le bord du chemin tes manières de rustre ?

Le monstre, - comment pouvait-on baptiser cette montagne de muscles et d’os d’un nom aussi doux et anodin que Tomy ? -, baissa la tête, aussi penaud qu’un gosse pris la main dans un pot de miel, et il s’effaça avec une grâce surprenante au regard de son gabarit et de sa corpulence, pour laisser le passage à son épouse.

- Sois le bienvenu sous le toit des Ridebaie, Etranger ! Jesta te bénisse, et loué soit Morken de t’avoir guidé jusqu’à la chaleur de notre foyer.

Tomy buvait les paroles de sa femme, ponctuant chaque syllabe de hochements de tête approbateurs, souriant à Fendor et couvant Crumpbelle d’œillades admiratives. Tout son être rayonnait dans la lumière irradiant de cette femme jeune et volontaire.

- Pardonne Maître Tompance pour ses blessantes paroles ! Ce géant est un brave homme, et tu n’as rien à craindre de lui si tes intentions sont pures et louables.

- Sois remerciée, Dame ! Que Meeliah t’illumine à jamais de ses bienfaits. Répondit Aspar Fendor, soulagé par cet accueil, et certain alors de ne pas dormir à la belle étoile cette nuit. Je suis… Il réfléchit un instant, et préféra dissimuler sa réelle identité : après tout, peut-être ce contrat placé sur sa tête de l'aveu même de ses agresseurs courait il encore, et on n’était guère qu’à quelques heures de marche de Sipahan… Je suis Spar Forden, Demi Nain du Clan Aldrim. Et je te remercie, ainsi que ton époux, de la chaleur de ton accueil.

Il tendit son perdreau doré et baissant la tête, en signe de totale humilité, le présenta à la Femme.

- Accepte ce gibier en gage de chaleureux remerciements, et permets moi simplement de dormir sous ta grange cette nuit, Dame. Je ne gênerai ni bêtes ni gens et repartirai demain aux premières lueurs du jour.

Le géant allait prendre la parole. Les mots ne se formaient pas aussi vite chez lui que chez le commun des mortels, comme s’ils venaient de la profondeur de son torse de buffle et peinaient à parcourir la distance entre sa poitrine et ses lèvres. Mais la Femme lui dama le pion.

- Sois remercié, Forden du Clan Aldrim. Maître Tompance m’a cueilli quelques navets roses qui accompagneront merveilleusement bien cette volaille. Accepte de partager notre repas, Forden du Clan Aldrim.

Le scrutant des pieds à la tête, elle fronça ses sourcils clairs.

- Avant tout, tu dois être éreinté ! Débarrasse toi de la poussière des chemins à l’eau du puit. Et lorsque tu seras prêt, rejoins nous. Entre sans frapper. Tu es le bienvenu.

Tompance Ridebaie acquiesça, rayonnant. A le voir ainsi, certains auraient put conclure que malgré sa physionomie au-delà de toutes normes, il était aussi inoffensif qu’un enfant…

.../...


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MessageSujet: Re: L'adieu à la Vieille   L'adieu à la Vieille EmptyVen 23 Mai - 2:13

Aspar Fendor
Post N° 3 (suite et fin)

La Ferme des Ridebaie (2)...

Aspar se décrotta de pied en cap et c’est le visage dégagé, crinière tirée en arrière, et la barbe moins folle qu’à l’accoutumée, qu’il se présenta à ses hôtes. A sa grande surprise, c’est Tompance Ridebaie en personne qui l’accueillit, un large sourire aux lèvres, comme s’il recevait un ami qu’il n’avait pas revu depuis des années. Maîtresse Ridebaie avait sévi : le géant pavanait dans une chemise blanche qui fleurait le savon à la rose, des braies noires impeccables, et des bottes de peau, usées mais graissées et cirées, qui rappelèrent à Fendor celles que portaient les fantassins des armées de l’Empereur. Tompance lui posa une main énorme sur l’épaule et le poussa jusqu’à la table familiale. Son épouse, dans une robe d’intérieur inhabituelle chez une paysanne, ne tarda pas à les rejoindre, précédée par le fumet subtil qui s’échappait d’une marmite en vieille fonte.

Maître Ridebaie arrosait son écot à l’eau de vie, - pommes et coings, répétait-il en roulant des yeux gourmands -, qu’il buvait aussi facilement que l’eau de son puit. Fendor avait pour sa part faillit mourir à la première gorgée, mais il s’habitua rapidement, et fit honneur à son Sang en ne boudant pas la flasque de son hôte. Crumpbelle secouait la tête, comme une mère énamourée souriant aux facéties de sa progéniture adorée.

Ils parlèrent comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Les Ridebaie ne se souciaient pas de chercher à savoir d’où Fendor venait, et où il allait. Ils honoraient les lois de l’hospitalité et évitaient scrupuleusement tout sujet qui aurait pu générer la moindre gêne chez leur invité.

Tompance n’avait pas toujours cultivé des légumes sur les terres fertiles du bord de mer. Il raconta qu’il avait servi dans les armées de l’Empereur, et qu’il avait combattu les Elfes Noirs jadis. Ainsi que les Orcs. Lorsqu’il s’était amouraché de Crumpbelle, et que contre toute attente, cette fille d’officier supérieur avait répondu à son amour, - il évoquait leur histoire comme on le ferait d’un rêve éveillé, fragile, qui disparaîtrait au petit matin -, il avait posé sa masse d’arme le long du mur et l’avait troquée contre une houe et une charrue. Il avait payé ses bœufs à crédit, - d’ailleurs, il n’avait pas encore remboursé la totalité de l’attelage -, et construit sa ferme de ses propres mains, allant jusqu’à extraire lui-même la pierre blanche des falaises pour ne pas enrichir le carrier. Les temps étaient durs, et vivre de son labeur, improbable. L’avantage est que lui et Crumpbelle ne mourraient jamais de faim : un bâton de guerre planté dans le sol aurait attrapé des feuilles en deux lunes, tant la terre par ici restait forte récolte après récolte. Les impôts d’Elycaste pesaient lourd : ceux qui ne les acquittaient pas se voyaient déposséder illico de leurs terres, et rejoignaient galères militaires, mines impériales ou, pour les plus chanceux, les troupes qui veillaient sur Amresia. Il fallait travailler dur.

Si près de Sipahan, et si loin au sud des Montagnes Noires, Tompance ne craignait pas les raids des Orcs et des Gobelins. Lorsque Crumpbelle les abandonna, - « entre hommes » -, le colosse fut plus disert et raconta combien la criminalité fleurissait si près d’un port aussi important que Sipahan. Il confessa avoir enterré derrière sa chaumière plus d’une vingtaine de rogues qui avaient menacé de les piller, sa femme et lui. De temps à autre, il montrait sa masse d’arme, - un arbre de fer et de clous accoté à l’âtre -, en clignant de l’œil.

- Pas plus tard qu’il y a une lune, les chiens se sont mis à gueuler au petit matin. Maîtresse Ridebaie sommeillait comme une enfant, et en la voyant si magnifique à mes côtés, j’ai tremblé pour elle, comme à chaque fois. Tu comprends, Forden, moi c’est pas pareil ! La mort ne parvient pas à m’arracher un frisson. Je l’ai trop fréquentée, et elle m’a montré trop de figures pour parvenir à m’inquiéter. Mais Crumpbelle… Je n’ai pris le temps que de sauter dans mes braies. Et j’ai entrouvert un volet. Et alors là, j’ai pas compris ce que j’ai vu. Il y avait deux gars. L’un semblait des plus normal : un voleur patenté, fin, svelte, assez souple pour passer entre la charpente et le chaume, armé de deux belles dagues. Il scrutait la pénombre les yeux plissés et glissait le long des murs pour repérer le terrain. L’autre n’était pas normal ! Vieux, la peau comme la mue d’un serpent, et collée à l’os, il marchait à grandes enjambées vers mes bœufs. Ces benêts se laissent approcher par n’importe qui ! Alors, il n’a pas eu de mal à flatter l’encolure de Dolbien. Il s’est penché comme s’il allait lui récurer les sabots, et j’ai d’abord cru qu’il lui respirait le cuir juste sous le cou. Et je me suis dis que j’avais affaire à un voleur de bétail. Mais pas plus de trois secondes après, le bœuf a meuglé et s’est légèrement ébroué. Je ne voyais plus le vieux. Et quand le vieux s’est relevé, eh ben, crois moi si tu veux, Forden, le vieux n’était plus vieux du tout !

- Comment ça, plus vieux du tout, Tompance ? Aspar était subjugué par le récit de son hôte.

- Bah ouai ! Plus vieux du tout ! Il s’est redressé dans les derniers rayons de la lune. Il s’est essuyé la bouche d’un revers de manche, et j’ai vu qu’il avait la figure rouge de sang frais.

Aspar Fendor sursauta.

- Une goule ! Tu as vu une goule ?

Tompance Ridebaie se servit un gobelet d’eau de vie et hocha la tête.

- Dolbien allait bien : il m’avait l’air un peu ivre, mais toujours vivace. Et l’autre épouvantail avait vingt ans à tout casser ! Il était fringuant et il a rejoint l’autre aussi vite que s’il était un courant d’air. Et là, j’ai vraiment eu peur pour Crumpbelle !

Aspar pouvait bien comprendre. Il n’avait jamais vu de goule pour sa part, mais son père lui avait souvent parlé de ces créatures qui se repaissent de la force vitale des autres.

- Qu’as-tu fait, Maître Ridebaie ? Tu l’as laissé partir bien sûr…

- Oh que non, Forden du Clan d’Aldrim ! Souffla l’autre. Le laisser partir ? Pour qu’il revienne saigner mes bœufs, et mes bœufs morts, saigner ma femme, ou pire ? Oh que non ! J’ai pris mon piolet, celui dont j’use pour effondrer la falaise lorsque je cueille des pierres. Et je l’ai attaché à une corde. Une longe, assez longue, que je garde toujours à la maison. Comme mes outils d’ailleurs. Si je les laissais dans la grange, on me les pillerait. Et je suis sorti sur la pointe des pieds, par derrière. Un vieux m’avait conté jadis que ces Serviteurs de Nethfer ont le flair d’un chien et la force d’un ours. J’ai posé ma masse à l’angle de la maison. Et quand j’ai surgi, j’ai lancé mon piolet de toutes mes forces. Le fer lui est passé entre les omoplates pour sortir de l’autre côté, et ainsi hameçonné, j’ai attaché la corde au bois de l’enclos. Oh ! Il était fort, et il a fini par arracher un pieu et une lisse. Mais il a traîné ça derrière lui. Et comme se présentait le fer, impossible pour lui de dégager le piolet.

- Et l’autre ? Interrogea Fendor, médusé.

- C’était son esclave ou quelque chose comme ça. Il a dégainé ses poignards et me voyant désarmé, a pris tout son temps pour me rejoindre. J’ai simulé la peur. J’ai reculé jusqu’à l’angle de la maison, le laissant venir. Et quand il a été à portée, ricanant, sûr de son fait, j’ai saisi ma masse, et je lui en ai collé un grand coup dans la poire ! J’y ai mis tout mon cœur, pour ne pas le rater. Imagine toi que sa tête a explosé comme un melon le long du mur, mais que j’ai fait un trou avec mon arme. C’est comme si le type avait rentré sa tête dans le mur ! J’ai du réparer. Et repasser tout à la chaux ! C’est pour ça que la chaumière a l’air si pimpante !

Tompance racontait son histoire comme il avait raconté l’heure précédente sa rencontre avec son épouse. Il n’éprouvait aucune satisfaction, et faisait fi de toute vantardise.

- Et la goule ? Comment en es-tu venu à bout ?

Tompance Ridebaie pinça les lèvres, et secoua la tête d’un air entendu.

- Eh bien, je me suis dit qu’un type qui ne crève pas alors qu’il a le fer d’un piolet planté dans la poitrine ne se tue pas comme un porcelet ! Et comme je n’avais pas d’idée, j’ai attendu que Crumpbelle qui venait de se réveiller, me rejoigne pour me donner conseil. Alors, je me suis assis, loin de l’autre énergumène qui gesticulait pour se débarrasser de ma pioche, et je l’ai un peu regardé. Imagine toi qu’en l’espace d’une poignée de minutes, alors qu’il avait saigné autant qu’il est possible, il est redevenu vieux. Et même plus vieux que lorsque je l’avais vu pour la première fois. Et ça, ça m’a gêné. De tuer un vieux…

Aspar ouvrait deux grands yeux étonnés : Crumpbelle Ridebaie avait une goule dans sa cour se pimpelochait, pendant que son monstre d’époux, après avoir écrasé la tête d’un voleur contre son mur, réfléchissait pour savoir comment terrasser un buveur de sang ! Il remercia le sort de ne pas être né voleur dans la région.

Mais Tompance s’anima.

- C’est là que l’histoire devient complètement folle !

**Ah ? Parce que jusque là, tout était normal ?** ne put s’empêcher de penser Fendor.

- Le soleil a pointé son nez ! Le ciel était dégagé et le coq a chanté. C’est là que l’autre s’est mis à me supplier. Il m’a promis de l’or ! La vie éternelle ! Il a pleuré, hurlé, crié, menacé. Il avait une bouche pareille à une autre bouche, sauf que lorsqu’il gueulait comme un loup enragé, cette bouche là s’ouvrait aussi grand qu’une gueule de four, comme si ses mâchoires étaient élastiques ! Il s’est jeté sur moi, mais il a été arrêté par la longueur de la longe. Il criait : « Pas le soleil ! Non ! Pas le soleil ! » Et moi j’ai pas bien compris où était le problème. Sauf quand il s’est mis à roussir ! Tu m’entends, Demi Homme ! Il s’est mis à cuire, aussi sûr que si je lui avais lancé de la poix bouillante sur le coin du nez. Il s’est jeté par terre en hurlant de douleur, fumant comme un feu dans l’herbe, tapant des poings et des pieds. Et ça a bien duré une demie heure cette histoire. Et quand ça a été fini, il ressemblait à un bout de charbon. Alors, je l’ai écrabouillé avec ma masse et j’ai éparpillé les bouts.

Le soleil avait tué la goule ? Fendor ne s’en remettait pas.

- Il est l’heure de dormir, finit Tompance.

Quand Fendor sortit dans la cour, dans la nuit noire, il ne put s’empêcher de penser à la goule, et filant comme l’éclair pour se claquemurer dans la grange, il pria que Nethfer ne rassemble pas les cendres de son Serviteur cette nuit…

~~~~0~~~~


Après une nuit peuplée de cauchemars sanglants, qui lui firent regretter finalement de ne pas avoir dormi à la belle étoile, il abandonna les Ridebaie à leur ferme et à leur combat contre la vermine. Dans les mains de Dame Crumpbelle qu’il serra entre les siennes, il laissa de l’or. Les temps étaient durs en Amresia, et il fallait bien que Tompance finisse par payer son attelage avant que les goules ne le lui boivent.


Dernière édition par Aspar Fendor le Sam 7 Juin - 23:14, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: L'adieu à la Vieille   L'adieu à la Vieille EmptyVen 23 Mai - 15:26

Aspar Fendor
Post N° 4

Cheveux de jais, noires pensées…

Fendor choisit de gagner Sipahan par les terres. Comme il opta de se tenir à distance respectable de la route. Le voyage serait certes plus long, et la marche, plus fastidieuse, mais il progresserait à couvert, et s’éviterait ainsi des rencontres inopportunes. Les récits de Tompance lui avaient donné à réfléchir : à proximité des villes portuaires qui drainent toute la fortune comme toute la misère du monde, on pouvait récolter quelques coups de poignards. Et dans ce domaine, il avait déjà donné.

Il s’accorda une halte à l’ombre d’un bouquet de noisetiers et d’un filet d’eau fraîche qui dévalait vers la côte. Certainement la résurgence d’une source souterraine, ou le trop plein d’un puit artésien. Dans son sac de toile, - qui sentait le beurre rance et la moisissure -, il n’y avait rien d’autre à manger qu’un quignon de pain et un morceau de saucisse dont lui avait fait don la douce Crumpbelle. Mais le repas bien arrosé de la veille avait suffi à le caler. En mirant le fond de son bagage, il se rappela soudain la teinture de la Vieille. A la cadence qu’il avait tenu jusqu’alors, il serait à Sipahan des les trois prochaines heures. Il était temps de prendre toutes les précautions possibles.

Fendor trempa donc sa tignasse écureuil dans l’onde glacée du torrent et, après s’être versé sur le chef la moitié du flacon de la Vieille, entreprit de se frictionner le crâne et le cheveu avec l’immonde et poisseuse mixture. L’odeur lui soulevait le cœur, et il priait Polixis de le débarrasser au plus tôt de ces fragrances d’huile poissonneuse. Lorsque son reflet dans l’eau claire lui renvoya le portrait d’un ténébreux au poil de jais, il sépara sa chevelure en six mèches et tressa chacune d’entre elle en une natte serrée qu’il lia avec l’écorce d’un jeune noisetier. Puis, il recommença l’opération avec sa barbe et ses moustaches, non sans éructer de dégoût pendant l’application de la lotion. Il arrangea sa barbe maintenant noire en deux grosses tresses, comme il l’avait vu faire chez les plus vieux Guerriers de Garadgar, et noua ses moustaches au deux tiers de leur longueur par un fil tiré de la toile du sac.

Quand il se contempla dans l’eau du torrent, il fut plus que surpris du résultat. Il ne se ressemblait plus. Son poil, maintenant noir et brillant, lançait des reflets bleutés, comme le plumage des pies. La teinture faisait ressortir l’éclat de ses yeux et accentuait la dureté de son regard de jade. Ce serait certainement un atout que cette allure farouche ! A moins que ça ne soit un handicap, ceux qu’ils allaient croiser pensant qu’il cherchait querelle. Il s’en remit entre les mains de Gilnis, Dieu de la Justice, et donc maître de son Sort. Il restait un fond dans la fiole de la Vieille. Aussi prit-il la précaution de s’en frotter les sourcils, le torse et les bras : avait-on déjà vu quelque part un brun au pelage rouge ? On l’aurait capturé et exhibé dans une foire, comme le Nain le plus fort d’Amresia, ou le Gobelin le plus gras du monde !

Il demeura là un long moment, les yeux dans le vague, trempant ses pieds dans la fraîcheur de la petite cascade.


- Je veux que tu partes, Aspar Fendor ! Que tu débarrasses le plancher de la Tour Orientale pour ne jamais y revenir ! Tu n’es plus le bienvenu ici !

Les mots de son Père lui revenaient en mémoire.

- Il te faut partir, Aspar. Sans te retourner ! Maintenant, Fils, si tu veux conserver ta vie sauve !

Que c’était-il passé à la Tour Orientale cette nuit là ? Quel événement avait justifié cette mise au ban ? Quelle avait été la position du Clan ? Du Conseil de Famille ? Jamais son Père n’aurait pu le chasser sans l’accord de ses propres Pairs. S’il avait eu un différend avec un Guerrier, les formes auraient été respectées avant le prononcé de toute sentence ! Chacun aurait exprimé son point de vue, et le Conseil aurait tranché. Chez les Nains, nul ne pouvait perdre la face au moment d’un jugement ou d’un arbitrage : les Sages garantissaient aux plaignants un moyen terme honorable. Pour ne pas tomber sous les affres meurtriers de l’Inscription. L’Inscription au Livre de la Rancune. L’inventaire remis à jour, à la plume d’Aigle trempée dans le sang, des manquements qui ne seraient jamais pardonnés et réclamaient vengeance. Mais il avait beau réfléchir : il n’avait rien à se reprocher. Les seules griefs qu’ils avaient essuyés tenaient à sa haute taille, à sa jeunesse et à la couleur de ses yeux : les Naines raffolaient de lui, surtout les Naines mariées. Mais malgré des avances très suggestives, et des propositions indécentes, il n’avait jamais mordu dans un fruit qui venait de tomber de l’arbre de son voisin…

Finalement, et si son Père l’avait purement et simplement dupé ? Et si Colindil, au crépuscule de ses jours, s’était reproché cette union passionnée mais fugace avec une Femme qui le coiffait de deux têtes, et dont la beauté insolente s’accordait si mal avec la vieille trogne burinée et couturée de cicatrices de ce mari unijambiste et braillard ? Et si c’était l’Honneur d’être reconnu Nain dont l’auteur de ses jours avait voulu le priver ?

Mais pourquoi ce contrat sur sa vie ? Qui avait intérêt à le voir mort ? Si Colindil avait lié la moindre complicité avec le commanditaire de son assassinat, le vieux Chef de Clan n’aurait pas pris la précaution d’informer Fendor du danger latent qui le menaçait. Colindil avait le courage de ses opinions. S’il voulait la mort de quelqu’un, il ne laissait à personne d’autre le soin d’exécuter une juste sentence. Il l’aurait tué de ses propres mains. Son Frère ? Bien sûr, cet imbécile suintait la jalousie par tous les pores de sa peau bistre. Mais jamais Fendor n’avait revendiqué le moindre privilège incombant à son Aîné. De toute sa vie, Fendor n’avait jamais voulu rien d’autre qu’être le Fils de son Père, et mériter l’admiration du Guerrier !

La colère l’envahissait, et il sentait que bientôt, elle le submergerait tout à fait. Et rien ni personne ne pourrait l’épancher de cette souffrance là. Alors, toujours sur le qui vive, il arma son arc, et lentement, il reprit le cours de son voyage, brun, et l’âme sombre.


prochain post : ici

[Requête MDJs : comme j'ai posté trop vite, je reprends ici la requête du post n° 3. Je pense que 4 pièces d’or pour Tompance et son épouse, soit l’équivalent d’une nuit d’auberge dans un village feront l’affaire, n'est-ce pas ? Merci d’avance de bien vouloir les soustraire de l’immense fortune de Fendor ]

merci
[ Eliz : Fait mon coco ][elle m'a appellé son coco I love you]
[ Eliz : Ce coeur appartient à quelqu'un d'autre ... mon coco ^^ ]
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