[Saega] Retour au bercail

Post n°100
Saega

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Bien évidemment, la chance ne fut pas de leur côté. Même si la chance (ou la malchance) n’avait absolument rien à voir avec la pluie qui s’abattit avec force sur les voyageurs. Les trombes d’eau furent accompagnées par un fort assombrissement de l’environnement dû aux impressionnants nuages gris, réserves intarissables du liquide expulsé. De temps à autre, un éclair lézardait le ciel brisant sa désespérante monotonie. Ce flash était aussitôt ponctué par un tonnerre assourdissant – enfin juste de quoi baisser l’acuité auditive pendant quelques instants.

C’est pour cette raison, que les marcheurs se déplaçaient voutés pour limiter la prise au vent qui venait s’ajouter aux désagréments de la journée qui ne faisait que débuter. Ils avançaient aussi rapidement que leur permettaient leurs jambes et le temps.

De temps en temps, on (pour la plupart des animaux qui avaient eu le bon sens de se réfugier dans des buissons ou dans le sol) pouvait entendre des gens parler ; plus précisément crier afin que les paroles aient suffisamment d’énergie pour franchir l’espace séparant la bouche des oreilles auxquelles elles étaient destinées.

- Vous ne trouvez pas que ce temps est magnifique, lança une voix à personne en particulier.
- Qu’entendez-vous par magnifique ? beugla une autre voix, pour justement qu’on l’entende.
- Je parle de la beauté du paysage qui s’offre à nous. Observez avec attention les zébrures parfaites de cet éclair et – le tonnerre mit un point final à la phrase.
- Dites, au lieu de vous extasier devant cet orage, ne pourriez-vous pas vous concentrer sur vos pas, demanda sèchement malgré le temps une voix bien connue, celle d’Anhiya. Notre allure s’est considérablement réduite depuis les dix dernières minutes. Et franchement, je n’apprécie guère le fait d’être trempée alors, j’apprécierais grandement que le temps que nous passerons sous cette ondée soit aussi réduit que possible.
- Veuillez m’excuser ma chère pour ce désagrément, je vais – le tonnerre qui semblait avoir le chic pour interrompre les paroles futiles tonna.

La pluie tomba incessante. Et midi tant attendu arriva. Il était temps de faire une halte, pour se reposer et se rassasier. Malheureusement, en terrain découvert, les abris ne se bousculaient pas au portillon. Seul un rocher solitaire qui avec le temps avait réussi à réserver toute la place uniquement pour son bon vouloir trônait au milieu de cette étendue de terre parsemée de rares touffes d’herbe.

Le groupe décida de se mettre à son abri protecteur. La pluie était toujours un problème, mais pas le vent, temporairement du moins. Un repas froid – inutile d’essayer d’allumer du feu par ce temps – fut servi et rapidement englouti. La pause avait à peine duré une vingtaine de minutes.

Pourtant, pendant ce temps, la rousse eut le temps de réfléchir au temps que devrait mettre les renforts pour les rejoindre. Et d’après ces calculs rapides et le tempérament de la personne qui les avait dépêchés, leur rencontre aurait lieu au plus tard le lendemain midi.

La vipère, telle l’avait appelé Jovaris, réfléchissait intensément au meilleur moyen d’avoir le plus d’or possible. Pour cela, elle devait s’emparer du corps de Saega et aussi de la jeune femme rousse. En livrant le mort aux autorités, elle devrait pouvoir toucher la prime. Et si elle se débrouillait bien, elle pourrait en toucher une plus importante en ramenant la fille d’Idraya à sa mère. Mais, pour cela, elle devrait se débarrasser des gêneurs. Ectore et son serviteur ne serait pas un problème, ni le prêtre qui semblait accompagner le groupe. Elle aurait probablement plus de difficultés avec l’homme aux cheveux bleus ; il lui disait quelque chose mais ne savait plus quoi. De toute façon, elle ne mettrait son plan à exécution qu’une fois dans la Sombreforêt en compagnie de sa troupe, alors elle n’avait aucun souci à se faire. Elle se permit même un petit sourire.

Le voyage continua dans la monotonie. Le temps n’avait pas changé d’un iota. La compagnie on plus, si ce n’est qu’ils étaient tous encore plus trempés que quelques heures auparavant. Avec toute l’eau contenue dans leurs habits, ils auraient largement pu abreuver tout un village du désert d’Akranikas pendant presque un mois. Cette pensée ne les consola point, surtout qu’aucun d’entre eux n’y avait justement pensé.

Le soir tomba. Enfin, ils s’aperçurent que la nuit était là uniquement grâce à une trouvée dans le voile – ce n’était plus un voile, mais plutôt une chape épaisse – nuageux. Ce fut ce qu’ils ne virent pas, la lumière, qu’ils s’en rendirent compte.

Aussitôt la fatigue, qui n’osait intervenir trop tôt, submergea les frêles défenses de la compagnie. Aucun abri en vue pour les protéger partiellement de la pluie et du vent. Ils s’allongèrent sur le sol inondé après un maigre repas encore froid. Jovaris se proposa pour le premier tour de garde, même si les chances de se faire agresser étaient plus que faibles. Les animaux ne sont pas bêtes au point de sentir par ce temps. La vipère, qui se prénommait Hanna, prit le deuxième.

C’est ainsi que le groupe s’endormit péniblement, trempé, tremblotant, et très crevé.

Post n°101
Saega

Jovaris s'installa un peu en retrait du groupe pour effectuer sa surveillance. Rester éveiller avec cette pluie n'allait pas se révéler compliqué, mais apercevoir une éventuelle menace pourrait être plus ardu.

A peine une dizaine de minutes s'étaient écoulées qu'il aperçut une ombre bouger parmi le camp de fortune. Il ne l'avait même pas vu s'approcher. Il se leva en faisant le moins de bruit possible. Puis, tout en surveillant la silhouette, il se dirigea vers elle en étant le plus silencieux possible. A quelques pas de la menace, il prit son épée et la dégaina.

Sans crier gare ou lancer la moindre menace, il bondit en direction de la menace. Il atterrit sur l'intrus en pesant de tout son poids pour le faire tomber. Mais, avant d'avoir eu le temps de lui mettre son épée sous le menton, la menace s'étant senti menacée, Jovaris reçut un coup de poing en plein ventre.

- Jovaris ! Y'a quelqu'un qui nous attaque ! Viens vite ! hurla l'ombre avec une voix familière.
- Quoi ?! Mais... je... Franel ? C'est toi ?
- Oui, donc je suppose que la personne que je viens de frapper c'est toi. Je suis vraiment désolé. D'autant que je viens de briser un de mes vœux, rajouta-t-il d'une voix inaudible.

Le cri du prêtre avait réveillé quelques personnes. Et ces dernières n'étaient pas vraiment de bonne humeur. Heureusement, à force d'excuses, le calme revint.

Aucun autre incident ne survint au cours de la nuit. La troupe eut même la chance au réveil de voir que le temps s'était amélioré. L'amélioration concernait le fait qu'il ne pleuvait plus uniquement ; le vent lui avait redoublé d'intensité comme pour compenser l'absence de l'eau tombante.

Après un petit déjeuner frugal et froid, le groupe repartit en direction de la Sombreforêt. Le vent soufflait fortement. Il refroidissait les marcheurs, mais en contrepartie, il les séchait.

Enfin, vers la mi-journée, peu de temps avant le repas prévu, ils purent apercevoir les arbres au loin ; preuve de la proximité avec la forêt. Grâce à l'accalmie, la compagnie put se réjouir autour d'un repas chaud.

Profitant de la halte et le temps étant arrivé, Hanna s'éloigna du groupe sous le regard suspicieux de l'autre chasseur de primes. Elle sortit de son sac, une sorte de rongeur et le relâcha. La bestiole devrait parvenir à son destinataire suffisamment à temps pour que tout soit prêt. Jovaris n'avait pas remarqué l'animal mais se doutait que la femme préparait quelque chose.

Pendant le repas, ceux qui profitait de la faible chaleur du feu discutaient.

- ... Je me demandais, qui est la personne que ce charmant monsieur aux cheveux bleus porte ?

Voici la question que craignait Anhiya, et pourtant elle s'étonnait que personne ne l'ait posée avant. Cependant, elle n'avait pas réfléchi à la réponse à donner. Dire qu'il se trimballait un mort, soit on ne les prendrait pas au sérieux, soit on risquait de mal les voir dans le meilleur des cas.

- Nous l'emmenons à Hautesylve afin de le soigner, mentit Franel afin d'aider Anhiya.
- Nous avons appris que la grand mage pourrait peut être le guérir, rajouta-t-elle.
- Ah bon ? Mais, si j'avais su cela plus tôt, j'aurais pu vous éviter tout ce voyage. Même si votre absence m'aurait manqué ma chère (Il s'était penché en direction de la jeune femme). A Port-Pergas, il y a un alchimiste qui aurait pu vous aider. Enfin, c'est trop tard à présent. Au fait, comment allez-vous faire pour rencontrer Idraya ? Il paraît qu'il est difficile de l'approcher, surtout depuis l'annonce de la montée en force de ce maudit nécromancien Agramand.
- Oh, ça ? Je crois que ce ne sera pas...
- ... On y pensera le moment venu, le coupa Anhiya. Tiens, au fait, vous savez où sont Jovaris et euh... Hanna ?
- Bah, z'ont dû partir pour faire d'choses qui s'font pas en public, p'têt. Ou p'têt qu'y sont tombés amoureux comme qu'y disait et bah qu'y z'ont b'soin d'êt'e seuls. J'sais pas s'non.
- Et si t'évitais de dire des bêtises, lança le chasseur de prime qui revenait à point nommé.
- Bon, si la pause est finie, on peut p'têt reprendre la route maintenant.

L'autre chasseur de prime était revenue et son signal envoyé avait hâte d'atteindre le lieu de la rencontre. Si aucun problème ne survenait avant, ils devraient atteindre l'orée de la forêt avant la tombée de la nuit.

Après avoir éteint le feu mourant, le groupe reprit sa marche.

Une heure passa, et la deuxième allait s'achever tranquillement lorsqu'un nuage de fumée précédé de silhouettes indistinctes s'éleva dans les airs.

Post n°102
Saega

- Mais, qu'est ce que... y font quoi ? J'leur avais pas dit de venir. Quelle bande d'idiots !
- Qu'as-tu Hanna, un problème ? demanda innocemment Anhiya.
- Hein ?! Que... quoi... non, non ! répondit-elle hâtivement de la sueur perlant le long de son front.
- Une personne serait-elle capable de me dire ce que signifie ce déplacement massif de poussière au loin ? questionna Ectore.
- Il s'agit seulement de personnes désireuses de nous accompagner jusqu'à notre destination, dit la jeune femme rousse.

Le nuage grossissait en se rapprochant du groupe qui lui avait stoppé sa progression pour accueillir ceux qui provoquait ce déplacement massif de poussière comme l'avait appelé Ectore. Certains attendaient sereinement, d'autres encore crispés, stressés voire au bord de l'apoplexie, et les restants étonnés légèrement ahuris.

Enfin, le contour des silhouettes se dessinait sur fond tremblotant de fines particules en suspension dans l'air. Un. Trois. Cinq. Cinq cavaliers sur leur monture galopant à toute vitesse virent le groupe et leur cible. Leur chef ou du moins celui qui semblait les diriger fit ralentir l'allure pour s'arrêter devant la compagnie. Ils portaient tous la même tenue. Une armure de cuir orné d'un grand arbre ainsi qu'un pantalon kaki et un casque en cuir. Sauf le chef qui lui avait le droit d'arborer une tenue en tout point semblable excepté du point de vue de la qualité et de la protection offerte.

Le meneur mit pied à terre et s'agenouilla brièvement en signe de respect avant de se redresser.

« Nous voici ici pour vous escortez, maîtresse.
- Bien, dit Anhiya. Mais, je pensais que ma mère aurait envoyé plus de monde. Que s'est-il passé ?
- Rien de grave. Notre groupe a subi une attaque menée par de vulgaires bandits. Nous les avons défait facilement. Nous avons eu deux blessés. Ils sont repartis avec d'autres hommes pour emmener les prisonniers à Hautesylve. »

Hanna avait blêmi en entendant les paroles du soldat et d'Anhiya. Ces hommes s'étaient fait attrapés et elle était désormais seule.

« Ca ne va pas Hanna ? Demanda d'une voix railleuse Jovaris. Tu es toute pâle.
- Non, ça va aller, dit-elle d'une voix chevrotante. Je dois avoir b'soin de repos. C'est tout. Bon, rajouta-elle d'une voix qu'elle espérait naturelle, j'dois y aller maintenant.
- Déjà ? Mais, nous ne sommes pas arrivés.
- M... moi si. Il se trouve que le chemin que je dois prendre bifurque à présent, improvisa la femme effrayée.
- C'est vraiment dommage, rajouta sincèrement Ectore, je regrette déjà votre départ anticipé. »

Sans crier gare, mais hurlant intérieurement, Hanna se sépara du groupe et courut comme si elle était poursuivit par la Mort. En quelques instants, elle disparut de la vue de tout le monde.

La discussion put reprendre entre les personnes restantes et les nouveaux arrivants. On mit Ectore et son serviteur au courant de ce qui se passait. Ectore eut du mal à tout digérer. Il n'arrivait pas à se remettre du fait qu'il avait côtoyé la fille d'Idraya sans la reconnaître.

Enfin, après toutes les explications, le groupe repartit vers Hautesylve. Les cavaliers ouvraient la marche au cas où une autre attaque aurait lieu.

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