[Saega] En route vers Hek'Adir

Post n°85
Saega

Action précédente : Les routes de Djel'Fa - [Malphas et co] Un jour de nuit

Et voilà, le voyage jusqu’à Hek’Adir avait commencé. Il promettait d’être long, trop probablement pour les voyageurs. L’ambiance était lourde, personne ne parlait. Dès que Jovaris s’y essayait, il se heurtait à un mur de silence. La réaction du prêtre et de la jeune femme l’avait amusé au départ, mais maintenant, c’était assez saoulant ce mutisme. Il devait trouver un moyen de détendre l’atmosphère sans quoi ce voyage d’agrément risquerait de se transformer en calvaire.

Mais, franchement, il était à court d’idée. Il pourrait dire que l’avis de recherche était un faux, mais personne ne le croirait. Il aurait bien voulu profiter un peu plus de leur présence avant de se séparer d’eux. La séparation ne serait pas longue, mais il n’appréciait pas la solitude. Il n’avait plus le choix à présent. C’était donc triste qu’il se sépara du groupe, une larme perlant le long de sa joue. Lui si joyeux d‘ordinaire, le voir ainsi aurait probablement eu un impact sur ces compagnons. Mais personne se remarqua son départ.

C’est seulement le soir, le soleil se couchant après une longue journée, que les trois personnes restantes faisant une halte pour la nuit remarquèrent enfin la fuite de Jovaris. Ils ne savaient même pas quand ce dernier leur avait faussé compagnie. C’est donc dans un silence pesant qu’ils préparent une sorte de camp, mais sans feu, n’ayant plus de bois. Le repas fut frugal, le silence rompu uniquement par les bruits de mastications.

Jovaris n’était pas plus heureux. Il se trouvait loin devant ces compagnons. Il avait forcé le pas pour prendre ces distances. La solitude serait sa compagne pendant cet exil. Il y aurait seulement eu Saega, il aurait pu rester à ces côtés, ce dernier aurait su comment réagir. Mais avec la jeune femme et le prêtre, c’était autre chose. Comment ceux-ci auraient agi, il ne le savait, et c’est ça qui l’avais poussé à cette errance.

La nuit tomba sur le chasseur de primes. Et tandis qu’il regardait le ciel, il pensait qu’il ne restait plus qu’une seule journée. Il s’endormit en espérant pouvoir les retrouver après sans trop de mal. Sinon, il n’aurait qu’à les attendre à leur destination.

La nuit fut courte pour tout le monde. Le soleil n’était pas encore levé que les voyageurs l’étaient. Le vent charriant du sable sur les dormeurs avait écourté leur sommeil. Grand bien lui en prit, car des chacals venaient de faire leur apparition. Il y avait une demi-douzaine d’individus à l’aspect famélique. On pouvait tout de suite voir qu’ils étaient affamés et qu’Anhiya, Saega et Franel feraient un excellent repas. Les bêtes attirées par l’odeur s’étaient approchées lentement et silencieusement, entourant le petit campement.

Le jeune homme luttant encore contre le sommeil récupéra machinalement son arc. Il tâtonna un peu avant de se saisir de ces flèches. Mais, le prêtre le stoppa en posant sa main sur son épaule.

« Arrête Saega, ne fais pas l’idiot. » Chuchota le vieil homme. « Tu arriveras peut être à en tuer un ou deux, mais pas les autres. »
« Si je ne fais rien, ils nous tueront. » Rétorqua le jeune homme.
« J’ai une idée dans ce cas. » Dit Anhiya. « On voit tout de suite qu’ils n’ont plus que la peau sur les os. Ca doit faire plusieurs jours qu’ils n’ont pas dû prendre de repas… »
« Et, alors qu’est ce que ça peut nous faire qu’ils aient faim ? » Interrompit Saega.
« Si tu m’avais laissé finir, tu l’aurais su. » Répondit sèchement la jeune femme.
« Bon, je vais t’expliquer le plan Saega. » Reprit Franel voyant qu’Anhiya n’avait pas l’intention de continuer. « Au point où ils en sont, ces animaux sont prêts à manger tout ce qui se présente devant eux. Et, justement, on a ce qu’il faut pour les distraire, de la viande. Il suffit de leur en laisser deux-trois morceaux et l’affaire sera jouée. »

Saega fit signe qu’il avait compris. Il gardait toujours l’arc contre lui, une flèche encochée pendant que Franel fouillait dans son sac à la recherche de la viande. Entretemps, les chacals se rapprochaient de leurs trois victimes. Ils bavaient en pensant au festin qu’ils allaient faire. Mais, à chaque pas qu’ils faisaient leurs pattes tremblaient. La faim les avait extrêmement affaiblis. Enfin, le prêtre tenait dans ces mains deux morceaux de viande. Il les lança en direction d’un chacal qui se tenait légèrement à l’écart. Aussitôt, par le fumet, alléchés les animaux se ruèrent vers la nourriture. Seul celui qui devait être le chef de ce qui anciennement était une meute ne suivit pas le mouvement. Il regardait Saega et l’arc qu’il tenait. Il flairait un piège. Bien que faible, il bondit vers le jeune homme.

Post n°86
Saega

Saega vit la gueule du chacal prendre de plus en plus d’importance dans son champ de vision. Dans un pur réflexe de survie, il leva son arc. Il eut juste le temps de le bander, puis de relâcher la corde avant que la bête ne s’abatte sur lui. Du sang coulant sur le visage du jeune homme. Ce n’était pas le sien, mais celui du chacal qui coulait par la plaie causée par la flèche dans sa gueule. Le reste de la meute n’avait pas encore remarqué la mort de leur chef. L’archer en profita pour se relever et essuyer le sang qui maculait sa figure. Sa tunique était à présent recouverte de tâches rouges qui bruniraient avec le temps.

Excité par la vue du liquide écarlate, l’explorateur récupéra la flèche fichée dans la dépouille. Encore en bon état, il l’encocha et visa une nouvelle cible. Il repéra un chacal à l’écart des autres attendant son tour pour manger. Il n’avait plus conscience que de lui, de la flèche et de sa cible. Il relâcha la corde tendue et la flèche siffla avant de s’enfoncer dans la chair du chacal avec un bruit sourd. L’animal s’effondra sans vie. Seulement cette fois, les autres individus remarquèrent cette mort.

Il ne restait plus que quatre survivants, de plus, ils étaient privés de leur chef. Ils ne savaient pas comment réagir face à cette menace. Ils étaient toujours aussi affamés. Malheureusement pour eux, leur nourriture se rebellait et ne semblait pas dispose à se laisser dévorer sans réagir. Pourtant, devant eux se trouvait de quoi les sustenter pendant au moins un court moment. Le choix entre une mort certaine et un repas frugal fut vite fait. Ils chipèrent les morceaux de viande mais ils ne repartirent seulement qu’à trois, une flèche ayant encore fait une autre victime.

A peine une ou deux minutes s’étaient passées depuis l‘attaque du chef chacal. Franel était effaré par ce bain de sang, lui qui méprisait la violence sous toutes ces formes. Anhiya, bien que le sang ne l’effraye pas outre mesure ne pouvait rester indifférente face à ce que Saega venait de faire. Le jeune homme n’avait pas l’air étonné plus que ça et ramassait les deux flèches sur les dépouilles, mais seulement une seule était utilisable. Il essuya la flèche sur la fourrure d’un chacal.

Puis, sans adresser un regard pour ces deux compagnons, il prit la route. Le fulvéo qui venait dont ne sait où se percha sur son épaule. Le prêtre et la jeune femme s’échangèrent un regard d’incompréhension, puis lui emboitèrent le pas. La matinée ne passa silencieusement comme la veille. Ils furent cependant bien contents lorsque la mi-journée arriva. Ils avaient parcouru plusieurs lieues à jeun et leur estomac grondait. Les trois personnes n’installèrent à l’ombre relative d’une petite excroissance rocheuse. Le vent soufflait toujours autant et charriait sa quantité de poussière.

Ils reprirent la route après un repas ensablé, ayant préféré la présence de la terre à celle du soleil brûlant. Le soir arriva rapidement. Le soleil déclinant prestement emmenant avec lui sa lumière et sa chaleur. Ils étaient au milieu de nulle part, aucun abri à portée de vue. La fatigue les gagnait, pourtant ils ne pouvaient s’arrêter ici. Saega décida de renouveler ce qu’il avait fait pendant le combat de défense de Garh’Dyr. Cependant, ce n’était pas aussi facile qu’il l’aurait cru. La première fois, ça c’était passé comme ça, par hasard. Il essaya de plisser les yeux, de les froncer, de loucher, d’en ouvrir qu’un seul, de fermer les deux, de regarder vers le haut, vers le bas, mais rien ne fonctionnait. Finalement, les yeux douloureux, pleurant, il vit voleter dans le ciel faiblement éclairé un oiseau. Il décida de suivre son vol et soudainement l’aperçut comme s’il était à côté. Le volatile avait un plumage bleu et une crête brune. Il le vit plonger et gober au vol un petit insecte. Avant que l’effet ne disparaisse, Saega rechercha un endroit où s’abriter, mais même ainsi il ne trouvait rien. Finalement, par hasard, il entraperçut les contours d’un bâtiment.

Le jeune homme ferma les yeux, et lorsqu’il les rouvrit, il ne remarqua rien du tout. Il était encore devenu aveugle, et il ne savait pas combien de temps ça durerait, ni si ça avait un risque d’être permanent. Attendant que sa vue revienne, il appela les deux autres pour les prévenir qu’il avait trouvé un abri pour la nuit qui devait se situer à une ou deux centaines de mètres d’où ils se trouvaient. Finalement, sa vue revint après un peu de patience.

Il guida la compagnie jusqu’à ce qui se révéla être une cabane abandonnée depuis des lustres. La porte s’ouvrit en grinçant. L’appel d’air déplaça la poussière qui avait élu domicile entre les quatre murs en bois en formant un nuage qui se lança à l’assaut des trois voyageurs. Ils durent battre en retraite en toussant. Ils patientèrent le temps que le nuage se dissipe, puis pénétrèrent dans la demeure. Outre la poussière, il n’y avait rien du tout. Le dernier occupant avait dû tout emporter. Au moins, pour cette nuit, ils auraient un abri fiable, enfin c’est ce qu’ils espéraient. C’est ainsi qu’après un repas maigre, ils se couchèrent et s’endormirent.

Post n°87
Saega

Le soleil se levait et Jovaris faisait de même. Mais, alors que l’astre solaire rayonnait, le chasseur de prime lui déprimait. Être seul le répugnait, il détestait la solitude. Malheureusement, c’était le seul moyen de ne pas faire de mal à ces amis sans le vouloir. Lorsque cela arrivait, il n’arrivait pas à se contrôler totalement, à réfréner ces envies de meurtres et de carnages. Après le temps qu’il avait passé avec Jdargrim, il ne savait pas comment celui-ci pour se maitriser même s’il appréciait tout de même faire sauter quelques têtes de temps en temps.

Il marcha donc rapidement, perdu dans ses pensées aussi tristes les unes que les autres pendant toute la journée. Le midi, il ne mangea pas plus que le matin, c'est-à-dire qu’il était encore à jeun. A mesure que le temps passait, une colère profondément ancrée à l’intérieur de lui grandissait et prenait de l’importance. Une colère envers lui-même ainsi que contre celui qui l’avait maudit.

Ces souvenirs le ramenèrent au jour, ou plutôt la nuit, où son vie sombra. Il se rappelle encore de la nuit où il tua toute sa famille, ses frères, ses sœurs, ses parents, tous sans exception. Le sang le recouvrant lui, ainsi que le sol et les lits. Il se souvient aussi des cris, hurlements qui le hantent fréquemment, surtout dans ces périodes où il doit s’isoler pour éviter un nouveau massacre.

Il avance tel un zombie craignant le moment fatidique, mettant le plus de distance entre lui et ces compagnons qu’il a quitté. La fatigue n’y change rien, il ne pourra pas dormir. Il n’a pas le choix, il doit continuer. Finalement, après plusieurs heures de torture mentale et physique, il voit ce qu’il redoutait tant. Le soleil se couche après une bonne journée et laisse la place à l’ennemi juré de Jovaris.

Un nuage solitaire déplacé par une brise laisse apparaître la lune. Il s’agit du soir de la pleine lune. Jovaris crie de rage et de désespoir. Il sent l’influence de l’astre lunaire sur son métabolisme. Tout d’abord, ces poils se font plus drus et plus longs. Ensuite, son visage s’allonge, sa mâchoire se modifie, ses dents poussent. Puis, le reste de son corps change rapidement. En moins d’une minute, le voilà transformé en loup-garou. La transformation de son corps est horriblement douloureusement. Il pousse un hurlement de rage faisant fuir les petits animaux qui logeaient à proximité.

Une larme coula le long de sa gueule pour atterrir sur le sol et être immédiatement absorbée par la terre. Il commença par se griffer les bras, mais la douleur physique n’effaça pas celle mentale. Il était comme fou, il courait pour se fatiguer. Il courait il ne sait où, le plus loin possible, peu importe la destination, du moment que cela lui permettait de s’évader.

Mais, courir ne l’empêchait pas de ressasser la nuit fatidique où il massacra sa famille. Il se revoit encore lacérer le torse d’un de ces frères, puis de mordre la gorge de sa sœur. Il se souvint des hurlements terrifiés, du sang qui giclait et atterrissait sur son pelage. Il se rappelle encore de la façon dont il a tué ces parents, écrasant leur crâne jusqu’à ce que leur contenu se répande sur le sol.

Lorsque ce cauchemar éveillé cessa, il ne savait plus où ces pas l’avaient mené. Il regarda autour de lui et ces yeux virent dans la pénombre une sorte de cabane en piteux état. Il décida d’y aller afin de se cacher le temps que la lune disparaisse. Il poussa un hurlement de souffrance, puis s’en approcha. Il regarda les cieux, mais à peine la moitié de la nuit était passée et l’autre moitié promettait d’être encore plus longue que la première.

Post n°88
Saega

Saega s’était endormi paisiblement pour une fois, et ne rêva pas. Anhiya avait eu du mal à trouver le sommeil, la poussière l’irritant fortement. Finalement, elle parvint à rejoindre le pays des songes. Seul le prêtre restait éveillé, luttant contre le sommeil sans trop de difficultés. Le voyage n’était pas un exercice si fatiguant en soit pour lui, il avait l’habitude de marcher depuis sa plus tendre jeunesse. Il ne se sentait pas à l’aise dans ce lieu, sentant que quelque chose allait se passer cette nuit.

Il se mit debout pour soulager ces jambes que la position assise en tailleur endolorissait. Il jeta un coup d’œil par la fenêtre après l’avoir au préalable essuyée avec sa manche. Celle-ci se retrouva recouverte de poussière et de vieilles toiles d’araignées. La lune était parfaitement ronde, il pouvait même apercevoir les mers asséchées du satellite. L’astre nocturne éclairait de sa lueur pâle parfaitement le décor. Du sable et de la terre à perte de vue, un paysage monotone et inhospitalier.

Franel se demandait bien se qui avait pu amener un être quelconque à venir bâtir une maison dans un coin aussi désert et reculé. A moins évidemment qu’il ne s’agisse pas d’une habitation et que le bâtiment ait une autre utilité. Mais, le prêtre n’avait aucune idée de la fonction que ce lieu pouvait avoir. Il aurait beau se perdre en conjectures et suppositions, ce ne serait que des hypothèses qu’il ne pourrait pas vérifier par manque de temps et d’envie.

Ses jambes à présent dégourdies, il allait s’installer pour prier lorsqu’il capta un mouvement du coin de l’œil. La silhouette se mouvait rapidement, trop pour que l’homme de foi ait une idée de ce qu’elle représentait. Il savait seulement une chose, elle se rapprochait de la cabane. Seulement, il n’avait aucune idée, si elle venait ici pour une raison précise ou non. De plus, ne sachant pas si l’être avait des pensées belliqueuses quelconques à l’égard des occupants actuels de la bicoque, il préféra ne pas prendre de risque. Il s’approcha de ces deux compagnons et les réveilla. Saega se leva assez rapidement, mais la jeune femme grommela avant d’obtempérer. Un hurlement déchira le silence nocturne et acheva de les réveiller.

Les trois personnes ne ruèrent vers la fenêtre exiguë. C’est alors qu’ils reconnurent la silhouette que Franel avait brièvement aperçu quelques secondes avant. Il s’agissait d’un lycanthrope ou plus communément appelé loup-garou. Ce dernier n’avait pas encore remarqué la présence des habitants de la cabane, pourtant il s’en rapprochait. L’explorateur en l’observant attentivement discerna une chose étrange au sujet du monstre, il lui semblait familier mais ne parvenait pas à savoir d’où lui venait ce sentiment. Bien qu’il sache que Jovaris était un loup-garou, il n’imagina pas une seule seconde qu’il pouvait s’agir de lui.

« Vite ! Il faut trouver quelque chose pour bloquer la porte ! » Cria Saega.
« Parle moins fort. » Chuchota Anhiya. « De plus, où veux-tu que nous trouvions de quoi l’empêcher de s’ouvrir ? A part de la poussière, ici il n’y a rien. »
« Je vais la bloquer alors. » Proposa l’explorateur.
« C’est une extrêmement excellente idée, mais je doute que le morceau de bois pourri qui sert de porte offre une quelconque résistance face aux assauts de cette créature. » Répliqua la jeune femme.
« Vous ne voulez pas vous taire un peu ? » Demanda le prêtre excédé. « On ne peut rien faire. Donc, Saega, tu vas prendre ton arc et tes flèches et si le loup-garou se rapproche trop près, tu lui tires dessus. »

Le jeune homme obéit aux ordres et vint se poster à la fenêtre. La corde de l’arc tendue, une flèche encochée. Mais, il se rendit d’un détail, la fenêtre était fermée et il n’y avait aucun dispositif visible pour l’ouvrir.

« Il y a un problème avec la fenêtre. » Fit remarquer l’archer. « Je fais comment pour l’ouvrir ? Enfin, pour l’ouvrir sans briser de carreau. »
« Je sais pas. Tu n’as pas un bout de tissu pour casser une vitre en faisant le moins de bruit possible ? » Demanda finalement Franel à court d’idée.
« Il y a bien ma tunique, mais il paraît que les lycanthropes ont une très bonne ouïe, donc dans tous les cas, il entendra. »
« Taisez-vous ! » Rouspéta Anhiya qui venait de jeter un coup d’œil rapide par la fenêtre. « Je ne le vois plus. Il a disparu. » Paniqua la jeune femme.
« Mais enfin, il n’a pas pu se volatiliser comme ça ? »

Un grincement fut sursauter les trois personnes. Le bruit venait de la porte d’entrée ou de sortie selon comment on la voyait. Elle s’ouvrit lentement, laissant le temps au bois de gémir sous l’effort. Ils étaient sur les nerfs, complètement pris au piège. Lorsque la porte s’ouvrit en grand, sans réfléchir, Saega laissa partir sa flèche en direction de l’ouverture. Aussitôt, il en encocha une nouvelle.

Post n°89
Saega

Le lycanthrope regardait à travers ses yeux jaunes la modeste demeure en bois pourri. Il avait cru apercevoir Anhiya, Saega et Franel l’observant par un carreau poussiéreux et sale. Mais, c’était impossible, il les avait quitté il y a deux jours et avaient pressé le pas. Il était inconcevable qu’ils l’aient déjà rattrapé surtout vu l’allure à laquelle il se déplaçait pour les distancer.

Il se rapprocha de la frêle bicoque pour en faire le tour ne voyant pas de porte du côté qui s’offrait à lui. Il avait l’impression d’entendre des voix filtrant à travers les murs en bois. Elles ressemblaient fortement à celles de ces compagnons, mais ce n’était pas possible. Il essaya de chasser ces illusions de son esprit, mais il les entendait encore. Ces sons le plongèrent dans le passé.

* Reviens me voir si tu survis… Il va s’en sortir ?… Au secours ! Un mons… Que se passe-t… Au mon dieu ! Chér… Je t’appellerai désormais Shruïchy. *

Tout lui revint instantanément, le jour où il fut maudit, puis la nuit où il massacra sa famille, ainsi que sa rencontre avec Jdargrim. C’est perdu dans ces pensées qu’il poussa péniblement la porte devant laquelle il se trouvait à présent. Mais, à peine la porte fut-elle ouverte qu’il fut poussé en arrière. Il regarda son épaule à l’endroit où il avait senti l’impact du coup l’ayant fait reculer. Une flèche abimé y était enfoncée profondément, un léger filet de sang en coulait et maculait sa fourrure.

Qui avait osé l’attaquer de la sorte alors qu’il ne désirait qu’un abri ? Cela se pourrait-il que ce qu’il ait vu et entendu ne soit pas une illusion ? Pourquoi y avait-il du monde dans un lieu à priori inhabité ? Serait-il possible qu’une autre personne ait voulu elle aussi se cacher ? Jovaris se posait de nombreuses questions, mais la douleur qui pointait le bout de son nez l’empêchait de raisonner normalement. Son sang maudit prenait le dessus, il allait massacrer ceux qui avaient osé le blesser de la sorte.

Il se mit à quatre pattes et huma l’air. Il était sec, chargé de terre et de sable. Il charriait l’odeur du bois en décomposition, ainsi que celle de trois humains. Ainsi c’était ces misérables qui avaient osés s’en prendre à lui. Il avait cherché un point isolé pour éviter les bains de sang, mais voilà que s’offraient à lui trois victimes. Il se lécha les babines et hurla à la mort, à celle de ces misérables humains.

Jovaris se propulsa en avant dans la cabane. Il entendit siffler une nouvelle flèche près de ses oreilles, mais le projectile s’enfonça dans le sol sans faire de dégâts. Il repéra de suite le tireur, à ses côtés un vieil homme et une jeune femme. Il sentait son sang bouillir en imaginant ses crocs s’enfoncer dans la chair délicate de la femme, le sang giclant coulant abondamment, et voir la vie quitter ce corps.

Le côté humain de Jovaris était encore présent et assistait impuissant à la scène, mais son esprit animal, bestial était trop puissant. Il se rapprochait lentement en fixant attentivement l’archer. Une nouvelle flèche partie, mais il l’avait vu, et d’un bond sur le côté l’évita. Il se tenait maintenant face à Anhiya. Il montra les crocs, un peu de bave en gouttait. La femme rousse ne se laissa pas impressionner, grand mal lui en prit. D’un mouvement rapide, le lycanthrope fendit l’air ainsi que la tunique d’Anhiya en même temps que son abdomen. Le liquide porteur de vie se déversait par la plaie béante. Elle s’écroula face contre terre. Une flaque rouge se formait au niveau de son ventre.

« Non !!! Anhiya !!! » Hurlèrent Franel et Saega à l’unisson.

Saega sauta sur le dos du meurtrier. Ce dernier fit basculer le gêneur et le fit tomber. Il l’attrapa par le col et le lança contre un mur. Le choc fit perdre connaissance au jeune homme.

« Anhiya ! Saega ! Et merde ! » Lança le prêtre.

A l’entente de ces prénoms, une chose se produisit dans l’esprit de la bête. Le côté humain reconnut les prénoms. Jovaris regarda ce qu’il avait provoqué. Il avait tout fait pour l’éviter, mais le destin en avait voulu autrement. Des larmes se formaient aux coins de ces yeux. Il hurla un long moment de douleur. Franel ne comprenait pas ce qui arrivait au loup-garou, mais n’osait pas bouger de peur de finir comme ces deux compagnons. Aussi soudainement qu’il était apparut, le lycanthrope quitta les lieux. Jovaris courait le plus loin possible afin de fuir le lieu de son crime. A nouveau, il avait tué des êtres qui lui étaient chers. Le prêtre à présent seul s’approcha d’Anhiya pour voir ce qu’il pouvait faire, mais il n’avait aucun moyen de stopper l’hémorragie, elle était condamnée. Il entendit un nouvel hurlement au loin. Bien maigre consolation.

Post n°90
Saega

Saega avait sombré dans l’inconscient après avoir percuté le mur violemment, mais il avait eu tout le temps de voir Anhiya se vider de son sang. Dans son esprit, il n’avait qu’une seule idée, celle de la sauver coûte que coûte.

Le jeune homme se retrouva dans son univers onirique. Mais, le spectacle qui s’offrait à lui n’était que dévastation. Il se tenait devant une souche calcinée, quelques flammèches subsistaient encore, mais faiblement. Il s’agissait de l’arbre sur lequel il s’était assis lors de ces précédentes visites. Autour de lui, la terre était fraîchement retournée, le sol parsemé de cratères de tailles variables. Le peu de vie qui existait dans ce lieu semblait avoir totalement disparu.

L’explorateur dérouté par cette vision plus que lorsqu’il avait fait la découverte de ce territoire s’avança près du trou le plus proche. Il s’accroupit et prit un peu de terre. Elle était complètement sèche et friable, une légère odeur fruitée s’en échappait. Intrigué par cette fragrance, il resta dans cette position inconfortable en plongeant dans ces souvenirs à la recherche du fruit qui y était associé. Il se mit debout péniblement, ces jambes douloureuses, en étant parvenu à retrouver l’origine de ce parfum apaisant. Ce n’était pas un fruit, mais une fleur répondant à l’appellation d’ange.

De plus, il se souvenait en quel endroit il l’avait sentit pour la première fois. C’était non loin du village où il habitait, il devait avoir seulement six ou sept ans. Alors qu’il se baladait insoucieusement dans la Sombreforêt, il était tombé sur un lieu enchanteur, un magnifique jardin aux nombreux parfums et aux couleurs éclatantes. Osant violer ce sanctuaire, il prit délicatement une fleur, une seule, et la ramena pour la donner à sa mère. Il se rappelait encore de la joie qui se peignait sur son visage.

La pluie le fit revenir à la réalité de son rêve. De grosses gouttes tombaient violemment. Un déluge rouge comme le sang inondait le territoire, remplissant rapidement les cratères. Un hurlement de tristesse et de désespoir traversa le rideau aqueux. L’ondée s’arrêta, l’averse disparut comme répondant à un appel.

Saega était partagé en deux, entre découvrir l’origine de ce cri ou trouver un moyen de soigner Anhiya. Il désirait ardemment faire quelque chose pour elle, mais il n’avait aucune idée de la marche à suivre pour la sauver. Il ne savait pourquoi, mais il pensa immédiatement à Hysturyl, il avait l’impression que le fulvéo pourrait l’aider.

« Hysturyl ! Vi… » Implora le jeune homme.
« Ne t’énerve point, je suis toujours à tes côtés. » Répondit une voix douce ne provenant d’aucune source visible.
« Est-ce que tu connais un moyen de sauver Anhiya ? » Demanda Saega avec émotion.
« Il y a un moyen, il y en a toujours un. Seulement, cela peut être dangereux pour toi, moi, ainsi qu’Anhiya. »
« Je m’en fiche de ce qui peut m’arriver, il faut la soigner. C’est tout ce qui compte pour l’instant. » La croyance qu’il y arriverait était visible dans son regard.
« Dans ce cas. Je vais t’aider, mais auparavant il faut que tu trouves la source du chaos qui règne ici. De toute façon, tu ne pourras pas reprendre connaissance sans ça. Je pourrais te fournir mon aide durant cette entreprise, mais c’est à toi et seulement à toi de régler le problème. »

Saega sachant ce qu’il devait faire pour sauver son amie se ressaisit. Pour commencer, il allait se diriger vers l’endroit d’où semblait provenir le hurlement de tout à l’heure. Il s’avança en trébuchant dans les ornières dispersées un peu partout. Il se rétama au bout de trente secondes. Les mains écorchées et les coudes et genoux couverts de terre sèche, il se releva comme si de rien n’était et continua vers sa prochaine destination.

Post n°91
Saega

Le jeune homme progressait lentement. Ce n’est pas parce qu’il était dans un rêve qu’il ne devait pas faire attention. Il ne le savait pas, mais s’il venait à mourir dans cet endroit pas vraiment féérique, son corps succomberait pendant son sommeil et il n’aurait plus qu’à faire un tour du côté de chez Nethfer. Devant lui, un faible éclat verdoyant éclairait son chemin. Hysturyl le précédait ouvrant la marche, révélant les pièges pouvant se cacher dans ce décor onirique.

Au bout d’un temps indéterminé, Saega se retrouva devant une petite flasque, et ne voulant la contourner, la traversa. Grand mal lui prit, car sa profondeur était supérieure à celle qu’il imaginait. Il ne retrouva dans l’eau jusqu’au cou, se retenant au bord difficilement. Soudain, il sentit une traction sur son pied qui le fit s’immerger totalement sous les flots. L’explorateur ne pouvait rien apercevoir à travers ce liquide boueux. Il avait beau lutter, il s’enfonçait inexorablement. Son poumon menaçait de flancher et de le forcer à reprendre sa respiration prématurément. Le manque d’oxygène troubla davantage sa vision, il sombra dans les ténèbres.

Saega ouvrit un œil prudemment craignant de se rendre compte qu’il était mort. Puis, légèrement rassuré, il ouvrit l’autre. Il se trouvait à présent dans une caverne creusée artificiellement. La salle aux parois lisses réfléchissait la lumière du feu trônait au centre de la pièce. Dans un coin, un petit tas remua. Il émettait des sons étranges, mélange de petits cris et de gargouillements. Une flamme plus importante que les autres éclaira cet endroit. Il s’agissait d’une créature vivante roulée en boule en semblant dormir profondément mais parlant durant son sommeil.

Saega se relava, des gouttes brunâtres coulant de ces habits encore humides. Curieux, il s’approcha du dormeur en faisant le moins de bruit possible. Une branche craqua, projetant quelques braises hors du cercle de pierre. Le bruit sec fit sursauter Saega, et la créature qui se retourna et aperçut le géant s’approcher d’elle. Elle se leva d’un bond et fit face à Saega ne dépassant pas le genou du jeune homme.

« Hej tihaf yrfe el spri éhanmec ! Tes apse mi ik ai ketta ! » S’exclama vigoureusement la créature en reculant devant Saega et la menace qu’elle semblait voir en lui.
« Hein ? Qu’est ce que tu dis ? Je comprends rien. Tu ne peux pas parler mieux ? » Demanda le jeune homme en répondant à la même vitesse que son interlocuteur.

S’en suivit un dialogue de sourd où les deux personnes cherchaient un moyen de faire en sorte que l’autre parle normalement, mais cela était inutile. Ca aurait pu durer très longtemps, mais Saega cru reconnaître un mot, « Hysturyl ». Il n’était pas sûr vu la vitesse à laquelle débitait le petit être.

« Tu as bien dis Hysturyl, petit ? » Questionna l’explorateur.
« Hysturyl, io tes uil. Tes uil ik at diaes vac mi. Smi hej sis apse u li te. » Répondit le petit avec dépit.
« Hysturyl ! Eh, Hysturyl, viens par… » Beugla Saega.

Le feu changea de couleur et vira du jaune-orangé au vert émeraude.

« Je suis là Saega. Ah, tiens, tu as rencontré Drïn à ce que je vois. » Dit la voix provenant des flammes. Puis, l’attention du foyer se focalisa sur Drïn. « Drïn, hej et terpense Saega. »
« Qu’est que tu lui as dit Hysturyl ? » Demanda Saega.
« Q’te ek ut uil a it Hysturyl ? » Rajouta Drïn.
« Chhhhhh ! » Siffla le feu pour les calmer en lâchant quelques flammèches vers la voûte.

Le feu s’amplifia puis disparut d’un coup dans un petit sifflement. La lueur verte du fulvéo apparut aux côtés de Saega et de Drïn. De la satisfaction émanait de la lumière.

« Le problème doit être réglé à présent. Bon, il faut peut être refaire du feu maintenant. » Dit le fulvéo.
« Quel problème ? » Interrogea Saega.
« J’en ai aucune idée. » Répondit Drïn.
« Tiens, je comprends ce que tu dis. » S’exclamèrent-ils en même temps.
« Sinon, qu’est ce que je fais là, dans une grotte alors que tout à l’heure je me noyait dans une flaque d’eau ? »
« Si tu tiens à le savoir, je peux te le dire, mais ça risque de ne pas te faire plaisir. » Enonça Hysturyl.

Post n°92
Saega

Saega était étonné, pourquoi le fait de savoir ne lui plairait pas ? Peu de choses lui déplaisaient. Mais, prenant ces précautions, il s’assit à même le sol en cas de choc. La tiédeur de la roche se ressentait à travers son pantalon. Il percevait des pulsations qui se répandaient dans tout son corps, battant à l’unisson avec son cœur. Il n’arrivait pas à déterminer précisément la source qui semblait venir de la totalité de la grotte. Cela avait un effet apaisant sur le jeune homme. C’est donc sur le point de s’endormir tranquillement qu’il entendit Hysturyl commencer son court récit.

« C’est à cause de Drïn si tu es là. » Résuma la lumière émeraude.
« Eh oh, tu veux qu’il pense que je lui ai fait du mal ? » Se plaignit Drïn. « C’est moi qui l’ai sauvé. Ce qui t’a agressé Saega, c’est un mauvais souvenir que tu enfouissais au fond de toi-même, mais c’est lui qui a failli t’engloutir. »

Saega était sur le point de demander comment un souvenir, même mauvais, pouvait tenter de noyer quelqu’un. Seulement, il sentait que cette question risquait d’entraîner une réponse nécessitant d’autres questions et il n’avait pas la patience pour tout écouter. Il avait une autre question, celle-ci concernant Drïn, mais il avait peur que le petit être la prenne mal. Il se jeta à l’eau et la posa quand même.

« Dis Drïn, t’es quoi ? » Demanda Saega en parlant tout bas, espérant peut être que Drïn n’entendrait pas.
« Si tu ne le sais pas, je n’ai aucune raison de te le dire. » Plaisanta le nain.

L’explorateur détailla Drïn de la tête aux pieds, ou plutôt l’inverse. Les pieds étaient larges, couverts de poils et de terre. Son regard remonta en suivant de courtes jambes massives et arquées, passant par un ventre relativement plat, un torse bombé et musclé et s’arrêta sur un visage jovial surmonté de cheveux bouclés. Il portait une tunique et un pantalon marrons qui cachaient partiellement une peau de la même couleur. Il était en fait assez difficile de repérer Drïn dans cette caverne sans se concentrer, il donnait l’impression d’en être une partie tellement il ressemblait à la grotte. Saega eut une sorte de révélation.

« Tu es l’enfant de la grotte, c’est ça ? »
« Oui, tu as trouvé. » Pouffa Drïn ne pouvant se retenir devant l’énormité de la connerie de Saega.
« Bon, c’est pas que je m’ennuie, mais il faut que j’aide Anhiya. On sort comment d’ici ? »
« Tu suis les galeries, si tu as de la chance tu te retrouveras dehors. »

Le jeune homme se dirigea donc vers la sortie de la caverne, s’éloignant dans l’obscurité. Il ne se doutait pas que Drïn le suivait. Bien qu’il fasse noir, il parvenait à voir autour de lui, pas très loin mais suffisamment pour se diriger. Dès le début, il eut deux choix, aller à gauche ou à droite. Il n’hésita pas et prit l’embranchement de gauche. Il progressa, la main touchant la paroi lisse et tiède. Il ressentait toujours ces pulsations battant comme son cœur, mais de plus en plus fortes. Il se rapprochait de la source. Il ne savait pas pourquoi, seulement quelque chose à l’intérieur de lui, lui disait qu’il devait continuer à s’en rapprocher.

A présent, cela faisait une heure, enfin pour Saega, qu’il avait quitté la grotte et qu’il déambulait dans les couloirs sombres d’un endroit qu’il ne connaissait pas et pourtant si familier. La distance le séparant des battements se réduisit lentement jusqu’à disparaître. Il déboucha sur une salle immense, à tel point qu’il ne pouvait en apercevoir la totalité. Il y avait seulement à quelques mètres devant lui un pilier translucide duquel émanait un bourdonnement qui répondait à son cœur. Il s’en approcha et le toucha. Saega fut immédiatement absorbé par la colonne, Drïn parvint de justesse à s’agripper à la jambe du jeune homme.

Ils se retrouvèrent dans une autre salle du même type que la précédente. A la différence qu’il y n’y avait pas de pilier translucide. Saega entreprit à la place de visiter la salle en compagnie de Drïn qui s’était incrusté. Il s’approcha d’un mur et remarqua qu’il s’agissait d’une tapisserie immense représentant une scène qu’il avait déjà vue, ou plutôt vécue. Il pouvait voir la ville de Hautesylve, plus précisément la maison d’Asther, ainsi que ce dernier à l’intérieur parlant avec la personne qui était entrain d’observer la tapisserie. Saega suivit la tapisserie et reconnut une autre scène. Elle représentait le moment où il essayait de fuir les mercenaires dont il avait tué le chef. Plus il progressait, plus les scènes représentées étaient anciennes. L’explorateur décida de revenir en arrière pour apercevoir ces souvenirs les plus récents. Il marchait depuis des heures lui semblait-il lorsqu’il tomba sur une représentation de lui regardant un mur en compagnie de Drïn. Il s’agissait d’une scène représentant le présent, il n’y aurait donc pas dû y avoir d’autres images. Pourtant, le mur continuait encore ainsi que la tapisserie. Intrigué, Saega continua plus loin en l’observant.

Post n°93
Saega

L’image suivante qu’il regarda le représentait lui au-dessus d’Anhiya. Cette dernière perdait ou avait perdu beaucoup de sang au niveau du ventre. Le fulvéo se tenait sur la blessure et émettait une légère lumière verte. Saega n’eut pas le courage de regarder la suite de cette tapisserie qui ne semblait pas avoir de fin, de peur de voir qu’il avait échoué.

Le jeune homme se retourna, se détachant de la vision d’Anhiya mourante encore dans son esprit. Il devait trouver ce qui perturbait cet endroit et rapidement sinon il ne pourrait pas sauver la jeune femme. Il se pencha pour se mettre à la hauteur de Drïn et lui demanda si celui-ci avait une idée de ce qui arrivait ici. Le petit être fixa Saega dans les yeux pendant un court moment avant de répondre.

« Ce sont les sentiments de culpabilité qui sont à l’origine de tout ce bordel. Ils s’amassent tous dans cet étrange endroit et grandissent. Mais le réel problème, c’est que tous ces sentiments ne sont pas ceux d’une seule personne. C’est la pluralité des sources de culpabilité qui pose problème. Donc, pour que tout revienne à la normale, tu dois supprimer la ou les sources en trop. Evidemment, le plus dur sera de les trouver. Mais avant de les trouver, il te faudra quitter ce lieu. »

Il fallut un peu de temps à Saega pour tout comprendre. Quand cela fut fait, il regarda aux alentours à la recherche d’une sortie ou au moins d’un indice pouvant y mener. Il parvint à trouver ce qu’il chercher, il avait trouvé une porte en bois. Il ne se posa pas de question sur le fait qu’une porte comme celle-ci n’avait pas vraiment sa place dans une grotte. Il s’en approcha tout de même. A mesure qu’il avançait, il apparut que la porte en question appartenait à une petite maison en pierre construite dans un arbre. Il ne pouvait s’agir que d’une seule maison, celle de Digniw. Pourtant, sans aucune hésitation, il tendit la main vers la poignée, la tourna et pénétra à l’intérieur de l’habitation.

Il regardait la décoration, tandis que Drïn refermait la porte. Tout était comme dans son souvenir pour la simple raison qu’il était dans son souvenir. Les murs ocres et le sol noir et blanc. Il avançait dans la maison, marchant vers la pièce où il avait connu la mort. Il prit le même chemin que la première fois sans prêter attention aux pièces qu’il traversait. Il arriva près de l’endroit où il était mort et se tenait à l’embrasure de la porte assistant impuissant à sa mort. Lorsque la dague s’enfonça dans le cœur de la personne allongée sur le lit, il ne put s’empêcher de ressentir un pincement à la poitrine.

Drïn qui avait assisté à la scène regarda Saega, puis le mort gisant sur le lit avec un regard étonné, mais ne pipa mot. Le jeune homme se détourna de la scène et s’approcha d’une fenêtre. Il jeta un coup d’œil dehors. Mais, au lieu de contempler la ville de Hautesylve, il ne voyait qu’un paysage où le brun et le rouge s’étendaient à perte de vue. Sachant instinctivement qu’il s’agissait du passage le conduisant hors de la grotte, il ouvrit la fenêtre et sortit suivi par Drïn. Une fois dehors, il se retourna et ne vit rien de spécial, la maison n’était plus là.

Saega n’eut pas le temps de s’étonner de la disparition de l’habitation car un hurlement de douleur déchira l’air. Ce cri n’avait rien d’humain. Pourtant, le jeune homme savait qu’il s’agissait de la source de tous les problèmes étaient survenus dernièrement dans ce monde. Il courut vers l’endroit d’où provenait cette plainte talonné par Drïn. Le petit être semblait se contenter de suivre Saega où qu’il aille.

L’explorateur courait à en perdre haleine. Le gémissement se refit entendre plusieurs fois de plus en plus faible et de plus en plus désespéré. Saega s’approchait rapidement, mais il fatiguait. Il aperçut enfin une silhouette, elle était grande et poilue. Au même moment, la lune faisait ces adieux. La créature se figea, puis commença à fondre pour laisser la place à un humain. Saega se trouva face à son compagnon Jovaris. Le jeune homme se comprenait plus rien. Comment Jovaris pouvait se trouver ici ? Etait-ce un rêve, une création de son imagination ? Il ne le pensait pas, car bien qu’il sache que Jovaris était un lycanthrope, il n’arrivait pas à l’imaginer sous cette forme. Son ami n’approcha de lui, des larmes coulant le long de ces joues. C’est ce qui choqua Saega car il l’avait toujours vu heureux.

« Je suis désolé Saega, je ne voulais pas. J’ai tout fait pour éviter cela, mais le destin en a voulu autrement. Je suis vraiment désolé. J’espère que tu pourras un jour me pardonner pour ce que j’ai fait. Je sais que c’est de ma faute, mais je ne voulais pas vous faire du mal. Je voulais seulement me cacher le temps que ça passe. Je ne pensais pas vous trouver là. Je n’ai pas réussi à me contrôler suffisamment pour éviter ce bain de sang. Je suis désolé pour ce que j’ai fait à Anhiya. Je ne voulais pas lui faire de mal, ni à elle, ni à toi. Mais, ne t’inquiète pas, je vais partir encore plus loin, le plus loin possible, comme ça, je ne vous ferais plus de mal. Je préfère être seul plutôt que de faire du mal à des personnes que j’aime. Je suis vraiment désolé Saega. J’espère sincèrement que tu pourras me pardonner un jour. »

Dès qu’il eut terminé, Jovaris tourna les talons et partit. Saega n’avait pas compris le sens des paroles de son ami. Soudainement un déclic se fit dans son esprit. Anhiya. Blesser. Lycanthrope. Il venait enfin de réaliser que ce qui les avait attaqués dans la vieille cabane n’était autre que Jovaris transformé en lycan à cause de la pleine lune. Mais, ce n’était pas la faute de Jovaris si tout cela avait eu lieu, c’était la sienne. Il n’avait pas été assez fort pour protéger ces compagnons, que ce soit Anhiya, Franel ou même Jovaris qui se morfondait maintenant.

« Attend Jovaris ! Ce n’est pas ta faute tout ce qui est arrivé. Tu n’as rien à te reprocher. Tu n’y pouvais rien. C’est de ma faute. C’est parce que je n’ai pas été capable de t’en empêcher que tout ça est arrivé. Mais Jovaris, je te promets que je ferai tout pour corriger ça. Je te le promets. Alors ne pars pas pour ça. Reviens avec nous. »

Le ton de Saega était désespéré, il ne voulait pas perdre un ami de cette manière. Il savait que c’était égoïste de penser de cette façon, mais il ne voulait pas que Jovaris s’en veuille pour cela. Surtout que si ce dernier culpabilisait, Saega pourrait échouer dans sa tentative de guérison d’Anhiya. Hysturyl lui avait dit qu’il devrait trouver ce qui n’allait dans cet univers avant de pouvoir l’aider. Il espérait de tout son cœur que ce qu’il venait de dire apaiserait Jovaris.

Post n°94
Saega

Jovaris s’arrêta pour faire face à Saega. Son visage pourtant si enjoué habituellement était noyé sous les pleurs. Mais, à présent il s’agissait de larmes de joie. Depuis qu’il avait été maudit, c’était la deuxième fois qu’on l’acceptait pour ce qu’il était réellement. La première était Jdargrim. Il avait fait le bon choix en décidant de voyager avec Saega finalement. Il sécha ces yeux avec le revers de la manche. Il fit un grand sourire à l’explorateur, fit volte-face et s’en alla le cœur léger.

Saega l’observa partir au loin, puis disparaître. Enfin, il espérait avoir réussi. Comme pour confirmer la chose, les deux soleils se levèrent et embrasèrent l’horizon d’un feu orangé. Le vent se remit à souffler faisant virevolter dans les airs un peu de terre ocre qui se déposa sur les habits du jeune homme. Devant Saega qui fixait toujours l’horizon, la lumière prit localement une teinte verte, puis cette lueur grossit jusqu’à avoir la taille d’un poing.

« Comme tu peux le remarquer Saega, ce monde va mieux. Ca veut donc dire que tu devrais être capable de soigner Anhiya, enfin que tu seras capable d’utiliser l’énergie que je te fournirais. » Dit une voix provenant de la lumière verte.
« Chouette, mais je fais comment pour me réveiller maintenant ? »
« Tu as juste à te concentrer et à dire à ton corps que tu ne veux plus dormir. »

Evidemment, c’était plus simple à dire qu’à faire. Saega écarta un peu les deux jambes pour bien s’ancrer sur le sol. Il tendit les bras le long de son corps. Il contracta tous ces muscles. Il essayait de se concentrer, mais la seule chose qu’il arrivait à faire, c’est seulement stopper sa respiration et faire rougir son visage. Il était au bord de l’asphyxie lorsqu’il se relâche et reprit son souffle. Il lui fallut cinq bonnes minutes avant de pourvoir refaire un effet qui ne fut pas plus concluant que le premier.

La méthode forte ne marchait pas à priori. Aussi le jeune homme se calma. Son effort avait endolori ces muscles, il allait avoir des courbatures pour sûr. Le fait de se tenir complètement tendu l’avait fatigué. Il n’eut d’autre choix que de s’asseoir car ces jambes peinaient à supporter son poids. La fatigue prit possession de son corps et Saega s’endormit…

Franel faisait tout son possible pour maintenir Anhiya en vie, mais il rageait devant son impuissance à pouvoir la sauver. De plus, Saega avait été assommé par l’agresseur. Il avait hésité pendant quelques secondes avant de laisser le jeune homme se remettre de lui-même, ce dernier ne semblant pas aller trop mal. Il priait ces dieux afin qu’un miracle ait lieu.

… Pour se réveiller, dans la cabane délabrée, moins de cinq minutes après avoir été assommé par le lycanthrope. Il avait mal au crâne. En touchant l’endroit douloureux, il sentit quelque chose de poisseux. Il regarda sa main et vit un peu de sang tâchant ces doigts. Cependant, il n’avait pas le temps de s’apitoyer sur son sort, il devait faire quelque chose pour Anhiya. Il se releva chancelant, et tituba jusqu’à la jeune femme allongée.

Le prêtre accueillit avec joie le retour de Saega. Mais, celui-ci était ailleurs, comme absent. Dans ces mains, il tenait le fulvéo. Sans un mot, il s’agenouilla près de la jeune femme. Il posa délicatement Hysturyl sur la blessure mortelle. Le jeune homme fit le vide dans son esprit, ne se concentrant que sur une chose : guérir Anhiya. La bête scintilla d’une lueur émeraude. Un lien uniquement visible par Hysturyl et Saega se forma entre l’homme et la femme blessée, il passait par le fulvéo. La lumière émise par la petite bestiole s’accrue et emplit toute la pièce, la baignant dans une ambiance verdoyante. Tout le monde retenait son souffle.

Lentement, le sang présent sur Anhiya disparaissait. La blessure se résorbait, les chairs se réunissaient, les organes touchés se régénéraient. Mais, dans le même temps, tandis que personne n’y prêtait attention, la tunique de Saega se teintait de rouge au niveau du ventre. Le jeune homme sentait ces forces l’abandonner, mais il ne pouvait pas encore se laisser aller car Anhiya n’était pas encore sauvée. Il lutta pendant plus d’une demi-heure ainsi pour la sauver.

Finalement, Saega s’écroula sur les jambes d’Anhiya les souillant de son sang. Elle était sauve, mais le jeune homme y avait laissé la vie. Elle ouvrit les yeux et vit le corps sans vie du jeune homme. Elle ne savait pas précisément de quoi il retournait, mais elle sentait qu’il avait donné sa vie pour sauver la sienne.

Les deux survivants ne savaient pas quoi faire. Le jour ne se lèverait que dans quelques heures. Ne pouvant rien faire d’autre et sachant qu’il ne pourrait pas dormir, Franel entreprit de creuser une tombe devant la cabane pour Saega. Il fut aidé par Anhiya. Il leur fallut toute la nuit pour creuser un trou décent dans lequel ensevelir le corps de l’explorateur.

Alors que le jour pointait le bout de son nez, Jovaris fit de même. Il arriva lorsque les préparatifs se terminaient. Il eut un choc en voyant Anhiya debout en pleine santé, aucune marque visible de la blessure qu’il lui avait infligée. Il essaya de cacher sa surprise tandis qu’il les saluait. Mais, il se demandait où pouvait bien être Saega. Intrigué, il pénétra dans la bicoque et aperçut le corps du jeune homme gisant sur le sol poussiéreux blessé à l’endroit où il pensait avoir touché Anhiya.

Hysturyl se tenait debout sur le ventre de son maître, ces petits pieds baignant dans le sang. Il leva la tête dès l’entrée du chasseur de primes. Il le regarda dans les yeux. Un éclair fugace brilla dans ceux du fulvéo. Jovaris ne pas comment, mais il savait que Saega était mort sans l’être complètement. Quelque chose à l’intérieur de lui, lui disait que l’explorateur pourrait revenir à la vie.

Comprenant enfin que le trou que Franel et Anhiya avaient creusé était une tombe pour Saega, Jovaris sortit pour leur annoncer d’arrêter. Il portait le corps inanimé du jeune homme sur son dos. Il leur fit comprendre qu’il comptait garder le cadavre avec lui pendant le voyage qui les amènerait jusqu’à Hautesylve. Le chasseur de primes leur demanda de le suivre car ils devaient continuer le voyage dès maintenant. Bien que tout le monde soit exténué, personne ne rechigna. Ils marchaient en direction de Hek’Adir, tandis que Saega lui s’approchait à grands pas du royaume de Nethfer.

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