[Saega] Mort d'un nain

Mort Etape 4-1
Saega

Action précédente : Royaume des Morts - [Elvilia] Chez les morts...

Le nouveau décor se révéla enfin à Saega. Une forêt luxuriante. Il se trouvait dans la seule zone non envahie par les arbres; une clairière. Des arbres les plus proches lui provenaient des bruits d'oiseaux, de petits rongeurs, et de... ça, l'explorateur ne le savait pas.

En plein milieu de la zone franche, soit à une dizaine de mètres du jeune homme, se tenait un nain. Ce dernier était recroquevillé, prostré.

« Non, non, non... », étaient les seules paroles sortant de sa bouche faiblement.

Saega étonné s'approcha du petit être, enfin plus petit que lui, chose assez rare. Il s'agenouilla pour apercevoir le visage de ce qu'il supposait être un mort récent. Outre la barbe, chose habituelle, il vit des larmes couler de ses yeux, chose inhabituelle.

L'explorateur n'avait pas vu tant de nains que ça, mais le peu qu'il savait d'eux lui disait que des rares sentiments que les nains laissaient transparaître, le pleur surtout en publique n'était pas la plus fréquente.

« Euh... dites... ça va ? »

Bien qu'un peu idiot, il se rendit tout de même compte de la bêtise de ces propos. Comment quelqu'un de mort pouvait être satisfait de son sort ?

Le visage noyé sous les larmes se tourna vers lui. Un bras se tendit et serra celui de Saega.

« Non, non... c'est... non... pourquoi ? », lâcha difficilement le nain d'une voix rendue rauque par l'émotion.
« Pourquoi quoi ? », demanda Saega gentiment et un peu stupidement.
« Non... pas ça... pas... possible... », sanglota-t-il à nouveau.
« Qu'est ce qu'il y a ? »
« Elle a... non... pas... faute... »

Ce dialogue de sourd continua ainsi plusieurs minutes. Saega continuant à questionner le nain. Le nain continuant lui à pleurnicher et à tenir des propos incohérents.

Pendant ce temps, le silence s'était installé en dehors de la clairière. Un silence attentif. Un silence oppressant. Un silence promesse de dangers proches (dans l'espace et le temps).

Mort Etape 4-2
Saega

Une flèche se planta dans le sol après avoir égratigné légèrement Saega.

« Tu as encore raté ta cible Saëlvin », ricana une voix provenant d’un arbre.
« Non, je l’ai touché. Il y a du sang qui coule de son front », répliqua vexée une autre voix située non loin de la première.
« Ouais, mais il est pas mort », répondit le premier. « Et, tu sais bien que dès que l’on voit quelqu’un… »
« Oui, oui, je sais. »
« Bon, vous avez fini de vous disputer ? », intervint une troisième voix, plus autoritaire.

Le nain pleurnichait toujours inconscient du danger le menaçant. L’explorateur, lui, essayait de découvrir qui avait voulu lui tirer dessus, et surtout d’où venaient les voix.

« Alors, ils ne sont pas encore morts ? », demanda la voix autoritaire.
« Bah si monsieur. Sinon, ils ne seraient pas là », railla la première voix.
« Maesterl, je n’ai pas besoin de tes remarques inutiles, compris ! »
« Vous êtes sûr que nous devrions les tuer monsieur ? », questionna Saëlvin.
« Tu fais preuve de compassion ? Tu oses dire ça devant moi ? »
« Non, monsieur. Je sais quel est notre devoir. Mais, ils n’ont pas l’air d’être des menaces. Et… »
« Pas des menaces ! », le meneur parla d’une voix énervée. « Sais-tu comment nous arrivons à vivre ici ? »
« Oui, monsieur, mais… », répondit-on d’une voix plus faible. « Mais, on ne sait pas comment ils sont arrivés ici. Et puis, là, il y a un nain, et il pleure. Le fait de le tuer ne ferait qu’abréger ces souffrances. »
« D’accord, mais alors qu’allons nous faire de l’humain ? », demanda le chef à présent calmé.

Saega n’entendait que des bribes de la conversation qui se tenait dans les arbres. Il s’approcha tout de même de l’endroit d’où il estimait que les paroles provenaient.

« Excusez-moi. Mais, je pourrais savoir pourquoi vous avez tiré sur nous ? »

Invisible à ces yeux se jouait une scène pouvant lui ôter la vie. Maesterl avait encoché une flèche et bandé son arc avant que celui ayant l’autorité ne le lui fasse baisser.

« Que faites-vous là, humain ? » Il avait prononcé le mot humain de la même manière qu’un humain aurait dit vermine. Pour les archers, Saega n’était rien de plus que cela.
« Bah, j’en sais rien. Je crois que j’étais dans une clairière, puis après je me suis retrouvé ici. »
« Hum… soit tu mens, soit tu dis la vérité. Mais, dans tous les cas, ça ne change rien. Maesterl ! »
« Oui, monsieur ! »
« Tue-le ! »
« A vos ordres ! »
« Quoi ? Mais… »

Mort Etape 4-3
Saega

Lentement, prenant bien son temps, hors de vue de sa future victime, Maesterl bandait son arc y ayant au préalable encoché une flèche. Ses muscles étaient tendus, attendant l’ordre de tir.

« Vas-y ! »

Il relâcha la corde. La force retenue se libéra. La flèche partait vers Saega. Vers son cœur.

« Nooooon… », cria au même moment le nain.

Le hurlement déstabilisa l’elfe pourtant bien entraîné. Son mouvement dévia la flèche suffisamment pour éviter la mort à Saega.

« … Pas elle ! L’a rien fait… »

Saega s’était retourné pour savoir ce qui arrivait au nain. A ce moment là, la flèche termina sa course. La pointe d’un côté de son mollet, l’empennage de l’autre, le reste de la flèche traversant le muscle.

L’explorateur tomba sa jambe ne le supportant plus.

« Mais pourquoi vous me tirez dessus ? J’ai fait… »
« … Du mal ! Non lui faites pas… »
« … Quelque chose de mal ? Vous voulez… »
« … Jouer ! Elle peut pas. Ca ne lui apporte que… »
« … Des ennuis. C’est ça ? Et puis, vous êtes… »
« … Des problèmes ! »
« … Qui ? », termina Saega.

Maesterl vexé d’avoir raté son tir et son chef mécontent que l’humain soit toujours en vie, éclatèrent de rire avec Saëlvin. Les propos incohérents des deux morts les avaient distraits.

« Bon, je consens à vous laisser la vie sauve, si… »
« Mais, chef. Je croyais qu’on devait les tuer. », pinailla Masterl.
« Oui, je sais. J’ai changé d’avis. Un problème ? »
« Non, monsieur. »
« Mais, monsieur, que va-t-il se passer si on apprend ça ? », fit Saëlvin.
« De qui ? Personne ici ne va parler. Compris ! »
« Oui, monsieur ! », firent en chœur les deux archers.
« Si toi l’humain, tu réponds à mon énigme, je te laisse partir. Un humain mâle marche dans une maison où il y a pleins d’autres humains. Il entre dans une pièce. Puis, d’un coup, il appelle l’humain femelle qui vit avec lui. Il lui dit : "Eh chérie, regarde on dirait Adam et Eve !" Alors, deux choses. Comment le sait-il et que va lui répondre la femelle ? »
« Euh… j’ai le droit à combien de temps ? »
« Autant que tu veux. C’est ta mort que tu joues. »

Mort Etape 4-4
Saega

« Euh… » Fit Saega en levant le bras.
« Oui, vous avez déjà la réponse ? » consentit à dire le chef.
« Non, mais… »
« Vous avez seulement le droit de parler pour donner votre réponse. C’est tout. » conclut-il d’une vois ferme.

Pourquoi fallait-il que l’on parle à Saega par énigme ? Il s’agissait de tout sauf de son domaine de prédilection. Même si personne ne le connaissait. Pas même lui.

Il se tourna vers le nain. Aucune aide à attendre de sa part. Ce dernier était encore prostré. Il avait cependant cessé de hurler. Il se contentait seulement de se plaindre moins fortement. Il pleurnichait toujours.

Saega n’avait donc pas le choix, il allait lui falloir réfléchir. Et efficacement de surcroit.

Cinq minutes passèrent. Puis dix. Ensuite par cinq de plus. Et pour finir une dizaine supplémentaire.

L’explorateur avait planché sur la question une demie-heure. Demie-heure silencieuse. Le nain avait fini par s’endormir affaibli par sa tristesse. Les archers se tenaient immobiles perchés dans leur arbre. Impassibles.

Malheureusement, Saega n’avait aucune idée. Quelle que soit la réponse à donner, il n’en avait aucune idée. Pas même le début d’une piste. Cela l’énerva de ne pas savoir. D’autres choses s’ajoutèrent à son désarroi et à sa frustration. Et ce qui devait arriver arriva.

L’explorateur péta un câble. Il se redressa brusquement. Il s’approcha, insensible à la douleur, de la cachette supposée des archers. Puis, d’un geste brusque arracha la flèche plantée dans son mollet. Du sang gicla de la blessure. Une partie se fit absorber rapidement par le sol. Une autre avait voltigé sur les feuilles les plus proches.

« J’en ai marre ! Vous allez m’expliquer ce qui se passe ou quoi ? »

Tel un fleuve libéré par la destruction du barrage le retenant, la colère emplit Saega. Elle prit totalement possession de son corps et son esprit. Son sang bouillait. Puis, celui à l’air libre pris feu.

En un instant, la blessure de l’explorateur se cautérisa en dégageant une odeur de brûlé désagréable. Le sol à ces pieds s’enflamma. De même que les branches portant les feuilles touchées par le sang.

« Bon alors, quoi ? Vous êtes muets ? »

C’était effectivement le cas. La vue de leur chère forêt attaquée par les flammes leur avait ôté la voix. Pourtant, la sylve était censée être protégée contre le feu, même d’origine non naturelle.

Mort Etape 4-5
Saega

Pendant quelques secondes, les trois hommes perchés ne purent que fixer le début de feu s’attaquant aux arbres. Mais, leur chef parvint à se reprendre.

« Allez, éteignez-moi ça. Et rapidement ! »

Dans la voix du commandant pointait un soupçon d’appréhension.

« Comment on fait ça ? Il n’y a pas d’eau à proximité. »
« On pourrait utiliser le sang de ce… de cet humain, proposa Maesterl. »
« Non, surtout pas ! C’est ça qui a donné ce sinistre résultat. »
« On peut toujours utiliser celui du nain alors ? »
« Non, je ne préfère pas. »
« Chef, et si nous utilisions ce qui nous aurait permis de nous débarrasser de ces deux intrus, proposa à son tour Saëlvin. »
« Non, cette solution ne convient pas, on risquerait de blesser davantage les arbres. Puis, il parla sur le ton de la confidence. Vous savez pertinemment ce qui se passerait si l’un de ces arbres subissait des dégâts trop importants. »

Les deux autres acquiescèrent. Evidemment qu’ils le savaient. Il ne connaissait pas la personne qui y était liée, mais il devinait ce qu’elle devait subir. Il était hors de question de lui infliger davantage de souffrance ou d’y mettre fin d’une manière trop radicale.

« Bon, vous allez parlez, questionna Saega en criant. »

Sa fureur n’était toujours pas retombée, et les flammèches avaient laissé à présent à de vraies flammes. Les arbres se faisaient attaquer avec plus de vigueur. Et, personne ne faisait attention à Saega. Le nain était encore plongé dans un profond sommeil, et les trois autres personnes cherchaient un moyen d’éteindre les flammes.

« Chef, j’ai une idée, s’exclama Maesterl. Peut-être que si l’humain n’est plus là, le feu partira lui aussi. »
« Hum… … … Je ne vois aucune raison de ne pas essayer. C’est la seule chose que nous pouvons faire pour le moment. Espérons que cela marchera. Allez, en position tous les deux. »

Les trois archers s’assirent en tailleur en équilibre sur la branche qu’il occupait. Ils fermèrent leurs yeux. Puis, ils commencèrent à psalmodier. Cela ressemblait fortement à un bourdonnement.

Autour de Saega, l’air sembla prendre de la consistance. Il était plus lourd, plus pesant, plus chaud aussi. L’air crépita, l’énergie qui s’accumulait faisait dresser les cheveux blancs de l’explorateur. L’air s’opacifia, il peinait à voir les arbres brûlant, pourtant proches de lui.

Puis, ce fut une explosion de lumière. Elle aveugla Saega. Il sentait son corps s’étirer et se rétrécir en même temps. Il ne savait pas ce qui se passait, mais étrangement se doutait qu’il allait se retrouver à un autre endroit lorsqu’il pourrait à nouveau jouir de la vue.

Ses oreilles se mirent à siffler. Mais, il eut le temps avant que le vacarme ne l’assourdisse d’entendre quelques propos de ces agresseurs.

« Regardez, le feu faiblit. »
« Heureusement que nous nous débarrassé de lui, il possède… »

Puis, ce fut le néant.

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