Aux portes de la ville

[Traversée des plaines de Norgod]

Ils partirent donc, abandonnant leur ancien foyer. Le voyage ne fut pas long, car les routes étaient assez bonnes depuis que les guerres ne sévissaient plus, et que l'on ne savait plus quoi faire de tous ces deniers publics, qui finissaient inlassablement à l'entetien des bâtiments et des voies terrestres (ainsi que dans la poche d'une partie de l'élite du pays, mais il n'y a rien d'étonnant là dedans, que ce soit en temps de guerre ou de paix).

Bientôt, le soleil se coucha, et bientôt, ils se trouvèrent devant les portes de Roc-Rétif. Les gardes faisaient passer les derniers badauds avant de fermer l'accès à la cité du nord. On dut discuter un moment, car les quelques miliciens n'étaient pas très enclins à laisser entrer des étrangers à cette heure de la journée. Clane se montra ferme et lui fit bien comprendre qu'il connaissait la ville, et que les miliciens feraient mieux de ne pas le prendre pour un de ces sales étrangers venus en touristes. Les gardes se montrèrent réticents, mais laissèrent passer la petite famille, n'oubliant pas de tapoter dans le dos du grand diable en signe d'apaisement et de zieuter sans grande pudeur la jeune fille de la famille qui commençait à être grande du haut de ses treize printemps.

Les portes passées, c'est la mère qui pit la situation en mains.
“Mais enfin, les femmes ne savent pas se diriger dans une grande ville, voyons, dame !”, eut beau s'opposer Clane, la femme fit des merveilles, et en quelques minutes, on trouva la demeure de son frère, une petite maison à un étage compressée par deux autres bâtisses du même accabit, située dans une petite ruelle devenue boueuse à cause des pluies d'automne qui se rapprochaient.

[Au coeur de Roc-Rétif]