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 A bon Port...

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Aspar Fendor
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Aspar Fendor


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MessageSujet: A bon Port...   A bon Port... EmptyVen 6 Juin - 1:39

Aspar Fendor
Post N° 13

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A bon Port...

Après les prémices de cette tempête meurtrière que Galithralas avait étouffée dans l’œuf, la traversée s’était déroulée sans encombre, comme si le ciel avait abdiqué face à la puissance de l’Elfe Gris. Après avoir été guéri, - une simple imposition des mains avaient suffi à faire disparaître toute trace de la blessure superficielle que le Rouquin lui avait causée -, Fendor avait rejoint le pont pour s’acquitter de ses corvées, malgré les exhortations de Meriado à demeurer au sec, sous sa protection. Mais la rixe, qui avait coûté la vie de deux hommes, avait refroidi les esprits les plus échauffés. Et même ce vieil albinos de Second n’avait pas trouvé d’inspiration pour assigner quelques tâches fastidieuses et dégradantes à son Passager. Le Demi Nain avait donc briqué le pont au savon noir, et recousu quelques toiles destinées à rapiécer les voiles que la tempête avait endommagées.

Meriado avait déserté le pont. Quant à Galithralas, il ne s’était plus montré depuis l’heure de son exploit. Tous les regards convergèrent donc vers Fendor. Mis à part les quelques Dormeurs qui avaient véritablement assisté à toute la bagarre, nul n’avait vraiment compris ce qui c’était passé sur le Hamac. Sinon que, sitôt l’ouragan dérouté, Cinq Doigts avait fait coudre deux cadavres dans une toile de jute, et les avait fait jeter à la mer. Les membres de l’équipage et la poignée de passagers occupant les appartements du château eurent tôt fait de se perdre en conjecture. Plusieurs versions des faits s’échangèrent donc sur le pont. Certains racontaient que le roulis violent avait précipité les deux malheureux à fond de cale, et qu’ils s’étaient brisés les os. Cette histoire là avait la préférence de ceux qui n’appréciaient rien de mieux que de ne jamais se mêler des affaires d’autrui, ainsi que quelques âmes sensibles (il y en a parmi les marins !). D’autres chuchotaient que le Demi Nain à la barbe noire avait assassiné les deux hommes pendant leur sommeil ; mais qu’il comptait parmi les créatures à la botte du Mage Elfe et que la protection que lui prodiguait ce statut lui vaudrait de ne jamais être inquiété pour son crime. Celle là avait trouvé un écho favorable chez les membres de l’équipage. Enfin, les derniers prétendaient que le Gnome infâme avait tué ces pauvres hères pour les punir du mauvais regard qu’ils lui avaient jeté. Cette version faisait l’unanimité parmi les occupants du hamac, et ceux qui les fréquentaient avec assiduités, tels ce couple de négociants originaires de Sryam qui voyageaient avec trois serviteurs, occupant tous le Hamac. Cumulant tout à la fois les rôles de Meurtrier et d’Ami du Meurtrier, Fendor était devenu un sujet de préoccupation et trônait à la place du Maître dans toutes les conversations. Aussi le Nabot se jura-t-il de reprendre au plus vite son identité réelle en se débarrassant de cette teinture qui lui noircissait le poil dès son arrivée à terre. Que se passerait-il si une bonne âme venait à raconter cette histoire au Prévost ou au Chef de la Garde locale ?

« Fils d’Esope » affala sa voilure et les hommes campèrent sur les avirons de la gouverne pour ralentir le navire, et le présenter au mouillage. Ibaoron préférait de loin un mouillage dans la rade de Port-Pergas à un arrimage à quais. La première solution lui permettait d’économiser les taxes de port. Cinq Doigts fit descendre une chaloupe à la mer et sélectionna les rameurs, d’heureux veinards qui, ce soir, dormiraient à terre, la plupart saouls, entre les seins des filles de joie les plus chaudes de tout Norgod. Le navire serait amené à quai à la rame lorsque les formalités auraient été remplies par son Capitaine, et après que le Prévost des Marchands ait autorisé le chargement des céréales à son bord…

Fendor fut invité à prendre place dans la chaloupe avec Galithralas, Meriado et les Négociants de Sryam. Les rameurs tirèrent sur les avirons sous les ordres du Capitaine Ibaoron en personne gagnant le port pour ses affaires. L’Elfe n’adressa la parole à quiconque. Appuyé sur son bâton, il semblait exténué, et s’ingéniait à ramener sur son front le tissu précieux de sa large capuche, comme s’il souhaitait protéger la moindre parcelle de la peau de son visage du soleil déjà haut. Meriado restait tête nue et fermait les yeux pour goûter encore une fois l’air du large. Sa petite main velue aux doigts crochus ne quittait pas la garde de l’une de ses deux lames elfiques. Il souriait, tantôt à Fendor, tantôt à Ibaoron. L’épouse du Négociant, une beauté au visage dissimulé sous le voile relevé de sa capeline, dardait vers le Gnome deux yeux d’un vert tendre, presque jaunes, dans lesquels le dégoût et la crainte se mêlaient intimement. Le Marchand, quant à lui, évitait les regards de chacun. Meriado le dévisagea un moment et ne put réprimer un haussement d’épaule. L’ambiance se tendait au fur et à mesure que l’esquif se rapprochait des pontons, et Fendor ne fut pas mécontent lorsque Ibaoron sauta prestement sur les planches de l’embarcadère. Bousculant tout le monde, et manquant par la même occasion de faire chavirer la chaloupe, les citoyens de Sryam exigèrent de débarquer les premiers. Aussitôt à terre, ils déguerpirent aussi vite qu’il leur était possible compte tenu de l’étroitesse des robes que le mari portait comme sa femme.

Galithralas partit seul en avant.

Meriado resta un instant avec Aspar Fendor.


- Comment pourrais-je jamais te remercier de m’avoir sauvé la vie, Messire ? Si tu n’avais pas dégainé tes lames à temps, c’est moi que l’on aurait cousu dans la toile et jeté à la mer.

Le Gnome sourit, pensif, comme si ses yeux regardaient à l’intérieur de lui-même.

- Certainement, Aspar Fendor… Certainement… Mais je n’ai été que l’instrument. Galithralas m’a envoyé pour te sortir d’affaire. Je regrette profondément d’avoir du ôter la vie à ces deux hommes encore jeunes. Mais tu es sauf, et c’est que Galithralas voulait.

- Remercie ton Seigneur, Messire Meriado.

Meriado haussa les épaules, une moue peinte sur son petit visage de musaraigne.

- Je n’ai pas avec lui suffisamment d’intimité pour pouvoir lui adresser les remerciements d’un autre, Aspar Fendor. Je suis voué à lui obéir, sans poser de question, et sans sonder ses intentions. Il s’offusquerait que je lui adresse la parole sans autorisation, et Galithralas parle peu. La plupart du temps, c’est là que je l’entends…

Le Gnome appuya un doigt minuscule et ridé sur le front de Fendor, entre ses deux sourcils.


- Il est l’heure de nous quitter, Aspar Fendor, reprit le Gnome, souriant cette fois. J’ai un présent pour toi.

Meriado plongea sa main sous sa cuirasse étincelante, et la ressortit sans dévoiler ce qu’il avait été cherché.

- Ouvre ta main, Aspar Fendor, et jure de ne l’ouvrir que lorsque j’aurai disparu de ton champ de vision. C’est un porte bonheur. Et compte tenu de l’intérêt du Maître pour ton aura, je crains que tu n’en ais plus besoin qu’à ton tour.

Il prit la main droite de Fendor, déposa un petit objet froid dans la paume et referma les doigts du Nabot dessus.

- Puisse l’Arbre à jamais te parer de Son Ombre, et te réserver un de Ses plus jeunes Rameaux.

- Que les Dieux te gardent, Messire Meriado.

Le Gnome s’inclina, et, relevant la capuche de sa pèlerine écarlate, il emboîta le pas de Galithralas déjà loin.

Lorsqu’il eut disparu, Fendor, dévoré de curiosité, ouvrit la main. Il tenait une broche, taillé dans un bois dur, représentant un Rameau d’Acacia. La reproduction fidèle de celle qui ornait le col de Meriado.

A bon Port... Acacia2qp7

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[Requêtes MDJs : Ô Guides de la Destinée, merci de bien vouloir soustraire du magot du Nabot la somme de 10 pièces d’or acquittée pour son passage. Et ajouter à l'inventaire ce rameau d'olivier que Fendor ne pourra jamais vendre. Je crains que le couple de Négociants soit parti en avant pour raconter aux autorités de Port-Pergas le « double meurtre» commis à bord du Fils d’Esope. Quelle version vont-ils narrer sur les trois qui circulaient à bord du navire ? Quelles seront les réactions des Autorités locales face à leur version des faits ? Quelles conséquences pour Aspar Fendor ?]
merci
[ Eliz : Or retiré, Rameau ajouté. les Négociants vont bien aller se confier aux autorités, mais comme ils avaient assez peur de toi, ils vont leur dire que c'était un très gros homme trapu qui a fait le coup, un personnage imaginaire. Les autorités sont sur sa trace, pas de problème pour toi ]
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Salta
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MessageSujet: Re: A bon Port...   A bon Port... EmptySam 7 Juin - 17:17

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Post n°9
Salta


Salta frémissait comme une furie : son passage à la taverne l'avait encore un peu plus délestée de raison, et deux ailes terrorisée croissait entre ses côtes. Elle jaillit sur les quais en fulminant, soufflant et haletant, l'oeil fou. Sa panique augmente d'un cran, sèchement. Elle est debout, immobile, au milieu du déversoir d'une rue engorgée dans le passage ahanant des foules du port. Les couleurs et les visages se mêlent et se fondent, comme une aquarelle scintillante de rouge et de bleu laqué, alors qu'elle donne de la tête en tous côtés. Dans le flot lourd et bourdonnant, le soleil qui s'étire sur la mer doucement huileuse, la bise qui se tait dans la cuvette grouillante et les odeurs de sels et de poissons, Salta perd la tête. Les sens agressés, elle bondit d'un sursaut au devant.

Elle ne pense plus, bouscule, s'infiltre, esquive. Le seul moyen qu'elle a d'échapper à la cohue est de se précipiter sur l'extrême bord de la margelle. La, elle ralentit le pas, craint la glissade qui la jetterait à l'eau, sous quolibets et crachats méprisants. Elle grince des dents, rien qu'au risque. Elle atteint un ponton, s'y glisse prestement, avec un soulagement désespéré. Elle s'assied en son milieu, les pieds par dessus bord, à quelques pouces de l'eau, et s'isole d'un nuage grisâtre de mépris haineux, de ce monde bariolé et grondant.

Son gouffre noir la happe aussitôt. Elle se débat, tente de ne pas retrouver la raison de sa panique qui cogne maintenant à ses tempes comme un forçat sur un roc. Mais son esprit se joue en ricanant de sa faible barrière d'abstraction, et braque ses yeux en faisceaux sur les bas de son jupon : déchiquetés comme des lambeaux de tissus de ménagère, le sang pulse dans son épaule luxée, l'ecchymose la relance à la pommette, et elle sent clairement avec horreur son oeil étrécit et gonflé de sang. Sa main vient se plaquer instinctivement sur sa masse de cheveux couleur sable brun, et une aiguille de pin lui pique les doigts. Son estomac se tord de honte impuissante.

La douleur de son bras lui raidit la nuque et lui arrache un grincement : on a sauté sur le ponton, depuis une barque, et les vibrations ont déchiré son épaule d'une trait de souffrance. Elle se lève précipitamment, se tenant le coude et laissant sa tignasse retomber devant son profil, et, se glissant de côté, libère les planches d'une troupe de bonnes gens qui se rue dans la foule comme des marins plongent dans l'alcool. Une caisse large lui fait une ombre précaire, elle se presse contre le bois rêche, l'oeil aux aguets derrière une mèche, le nez pointant sous les sourcils froncés. Elle attend. Qu'on lui laisse la place. Qu'elle se calme. Les frôlements incessants d'étoffes de passants irritent ses nerfs par paliers. Folle, je suis folle. Cette pensée la fait gronder de fureur, et ses doigts se crispent sur son bras, le pressent contre son flanc comme pour l'y incruster.

Mais un couple d'hommes discute, palabre, un long moment, avec des airs virils de soldats fiers. Salta se retient de cracher. Lorsqu'ils échangent solennellement une poignée de main, elle lève un peu plus la tête et se tend vers l'objectif. Seulement l'un d'eux ayant tourné les talons, le second reste là, planté, comme idiot, l'oeil vague. Et puis il entrouvre ses doigts courtauds sur un objet. Que l'autre lui a donné. Salta tend la nuque, écarquille les yeux pour voir, ça vaut quelque chose ? Avide, assoiffée, hystérique de sa souffrance mentale qui devient physique : un trou hurlant dans la poitrine, et son bras en écharpe qui l'élance sans cesse. Elle oublie. Elle oublie son air égaré et son allure de sauvageonne. Elle oublie son épaule et le sang séché qui tire la peau du visage. Elle oublie même sa panique de noyée dans le flot de la foule. Elle darde ses yeux noirs sur un petit objet qui lui semble jaune pâle, et qui se hérisse arrogamment sous les doigts de l'homme.

Il s'éloigne enfin. Elle se fixe avec puissance sur lui. Il est petit, mais elle le suit des yeux, puis des jambes. Courbée, tendue, elle suit son dos large et ses cheveux opulents. Elle suit sa démarche roulée de celui qui descend d'une traversée longue. Elle s'accroche à son image, évite l'écueil de la folie solitaire en s'agrippant à ce flotteur inconnu et impassible.

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