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 [Salta] Fuite improvisée

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AuteurMessage
Salta
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Salta


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MessageSujet: [Salta] Fuite improvisée   [Salta] Fuite improvisée EmptyMer 27 Aoû - 0:32

Post n°15
Salta




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Ses pas l'ont menée au port. Suivant les virages, tournant au hasard, glissant, hébétée, sur la pente douce des pavés, Salta débouche brusquement en plein soleil, au milieu de la foule. Un peu plus éparse que tout à l'heure... Où alors c'est moi qui deviens dingue... Ricanement sourd. La lassitude morale et physique de la saltimbanque lui tire les traits déjà boursouflés par son hématome sur la pommette. Elle en est cruellement consciente, et sent la brûlure des regards aussi fortement que la crispation de son cou.

Partir. Laissez-moi partir ! Salta rase mollement le mur, puis dévie et s'en va à nouveau longer la margelle humide, prenant garde à chaque pas, enjambant les amarres et les passerelles. Son oeil va et vient du sol aux coques qui ballottent, elle fouille les équipages du regard, cherche un visage connu sinon ami... Le profil dur et crochu d'un matelot fait bondir son estomac. Elle allonge le pas et le saisit au niveau de l'épaule pendant qu'il transborde un tonneau. Il pointe son nez proéminent sur elle et contracte les mâchoires. Elle s'agrippe à lui alors qu'il n'interrompt même pas son mouvement et le suit maladroitement.


" Emmenez-moi ! Péléac emmène-moi ! J'paye j'en crache sur ma tête ! J'paye, j'ai c'qu'y faut ! Emmène-moi ! "

Il supporte son poids sans broncher, et mâchonne un :

" Vois 'vec le Cap'taine poupée. 'rien à t'dire moi. "

Salta retire sa main avec brusquerie et le regrette aussitôt : son cou, qu'elle avait oublié, se réveille en fanfare. Elle grimace, fait volte face précautionneusement vers la passerelle et s'en approche. Les dents serrées plus que jamais, elle affermit sa tenue, mouche les foyers de souffrance qui la percent un peu partout, et pose un pied dur sur le bois du ponton. Ses talons résonnent, mais pas plus que ceux des rudes matelots qui déchargent l'embarcation. Pas bien grosse d'ailleurs, la bicoque. Près de la passerelle proprement dite, Salta a une hésitation. Elle embarque avec un sursaut de détermination et se dirige droit vers un homme debout, adossé contre une parois de planches d'un brun verdâtre, grisée et bosselée.

Il la détaille de bas en haut, se fixe, sans hâte, sur chaque accroc dans ses jupons, chaque égratignure, chaque écorchure sur sa peau et son visage. Elle est crottée, elle l'avait même oublié, elle est hirsute, hâve, encore marquée par ses terreurs. Elle sait que sur sa gorge, une trace bleue violacée s'étend de plus en plus, que sa pommette est saillante et lacérée d'un rai de sang coagulé, que ses lèvres sont cireuses et qu'il doit lui rester une lueur démente dans le fond de l'oeil. Elle se laisse étudier par cet homme, qui sait ce qu'il fait, jusqu'au bout, qui réfléchit avant même qu'elle n'ait ouvert la bouche.

Il termine son étude dans son regard à elle. Aucun plissement de son visage ridé ne frémit. Il cille avec lenteur et assurance. Salta se tient bien raide, évacue toute provocation de sa tenue, reste son humilité et ses plaies intérieures, qu'elle remonte à la surface de ses iris comme des bouées. Qu'il la comprenne seulement, qu'il la prenne en pitié noblement, sans le montrer, et elle se sentira comme prendre un bol d'air frais. Il la sauverait pour quelques temps, en l'acceptant, en effleurant de sa conscience son noyau à vif et brûlant. Elle ne possède rien, il doit déjà l'avoir compris. Salta savoure l'instant, car même la tension de stress qui tire sur son ventre lui est douce, elle est presque certaine, au fond d'elle, de l'issue de l'inspection.

L'homme prend vie soudainement, ouvre la bouche :


" 'Voulez quoi ? "

Salta se glace. Quoi ? Il me le demande ? Il ne le sait pas alors ? Elle répond d'une voix claire et dure :

" Embarquer. Pour n'importe où. "

" Z'avez de quoi payer ? "

" Combien ? "

" On va a Hek-Adir. C'est 20 écus. "

" J'ai. "

" Embarquez. "

Salta prend, comme une automate, sa petite bourse, défait le cordon, plonge les doigts, compte 20 écus, tend son poing, écarte les doigts dans la large paluche du marin, et suit la direction des cabines qu'il lui indique vaguement en grommelant un : " 'Troisième. Gauche. "
Dès qu'elle atteint le couvert des planches, un malaise sournois étrangle Salta. Des étoiles dansent et explosent devant son nez, ses oreilles se bouchent et appuient sur ses tympans. A bout de souffle, haletante, une mousse d'écume au coin de la lèvre, sa tête est renversée en arrière, cherchant de l'air. Dans une semi-conscience, Salta se reprend, serre les poings et titube, compte trois portes à travers un voile teinté de lumière, se laisse tomber contre la porte et s'écroule sur son lit sans même avoir fermé derrière elle.

Mais le sommeil est bien loin de son esprit. Je suis folle ! Elle était tellement sûre, tellement pénétrée de certitude que l'homme l'avait sondée, l'analysait. Mais non. Il a juste dû s'demander d'où je sortais, hésité à m'le demander, et puis final'ment opté pour ses sous plutôt qu'sa renommée... Elle gémit, presse les paumes contre ses tempes et gronde immédiatement en relâchant son bras gauche. Sa luxation qui s'y met aussi. Ses pensées tournoient et son malaise croît. Elle sent de bien loin que le bâteau a largué les amarres, elle ne savait même pas quand il partait. Ils ont dû terminer de décharger et ils repartent faire le plein... Elle s'étonne même de la justesse de sa pensée, qui a fusé, vive comme un éclair, et s'est à nouveau perdue dans sa nuit.

Yeux fermés, la cervelle bouillonnante, elle laisse la pression redescendre, et bondit alors de réflexion en réflexion, sans lien ni transition, pendant un temps infini, jusqu'à se sentir chavirer. Elle s'endort en toute conscience du fait, avec un sourire de soulagement.


[MDJ : j'ai dépensé le prix de la traversée Port-Pergas / Hek'Adir... si vous pouviez me le retirer, pis me dire si c'est bien ça le prix parce que j'suis pas sure ^^ vwalou !]

[ Brise : C'est 10 écus la lieue ; donc 20 c'est bon ; j'te retire ça ]

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