[Salta] vers Sryam !

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Ils sont arrivés, ils ont déchargé les tonneaux et les caisses, et Salta avec. Expulsée sur les quais, elle a tourné en rond dans les ruelles de cette ville qu'elle ne connaît pas, se demandant ce qu'elle était venue faire ici. Et puis un brin de conversation volé l'amène à l'extérieur des murs d'Hek'Adir la marchande : une troupe se prépare pour Sryam. Salta a encore faim, et soif. Et la journée se termine, mais elle n'aura pas assez pour dormir en ville ce soir, et partir seule sans une troupe la panique. Silence ! Elle contracte ses abdominaux, et s'avance vers les hommes de garde.

" 'Partez de nuit ? "

Un nez boursouflé lui répond.

" Ouais. "

" Risqué... "

" N'a pas l'temps d'attendre... "
Un coup de tête vers un groupe dans un roulotte dorée, alambiquée, tirée par deux bourrins épuisés.

" Emmenez-moi. "

" Faut payer. "

" Combien. "

L'homme la regarde longuement. Un sourire indélicat tire un coin de ses lèvres. Salta retient son dégoût, durcit son regard et siffle :

" Alors je veux à manger aussi. Et avant. "

Le soldat hésite. Salta ajoute, soufflant comme un chat :

" Et un cheval. "

Le soldat fronce les sourcils. Salta espère et redoute qu'il change d'avis. Il glisse un regard par dessus son épaule et fait monter les enchères.

" Garack ! "

Gras, grand, lourd, pataud. L'interpellé s'avance. Le frémissement qui secoue Salta a des répercussions jusqu'aux bout de ses ongles.

" Eh le bleu, regarde c'que j'nous ai trouvé. Moi d'abord, et toi après. T'es content ? "

Garack hésite. Hoche la tête sans conviction. Salta ferme les yeux, les rouvre précipitemment quand le premier se retourne.

" Ok, un cheval, une bouffe, le voyage pour la nuit... "

Il s'éloigne, laisse Salta sous la garde du boeuf, qui lui glisse des coups d'oeil par en dessous, penaud, honteux. Salta ne le voit pas. Elle ne voit que ses mains énormes, son corps massif, la laideur de l'autre, sa vilenie. Elle sent déjà ses brûlures du lendemain... Le soldat revient, ni Salta ni Garack n'ont bronché. Salta est raide, son regard est de braise, sa bouche est si pincée qu'elle en blanchit. Elle prend l'écuelle, recule de quelques pas, puis s'assied par terre et mange. Les deux la regardent, tout le long. Elle termine sans se presser. Elle n'a plus faim, son ventre est chaud. Elle savoure ce bienêtre qui ne durera pas. Quand elle a piqué la dernière miette, le soldat allonge ses jambes, se plante à son flanc. Salta se lève lentement, il lui met la main sur la hanche, un signe à Garack, et il les entraîne à l'écart.

Des arbres et des buissons. Il saisit Salta au coude et la plaque contre lui. Elle reste froide, ne réagit pas. Il s'agace, lui arrache sa minerve de fortune, elle gémit. Il la dévêt rapidement, la jette au sol. Son épaule heurte un roc, elle grince, gronde, mais refuse d'accorder un seul cri. Le soldat s'approche. Et la panique saisit Salta à la gorge avec toute sa brusquerie. Elle se contorsionne pour se glisser de côté. Elle prend une gifle, la rend, une taloche l'étourdit. Elle continue à tenter de se redresser, nue comme un ver, toute aussi maladroite et affolée. Les coups commencent à pleuvoir, et les insultes. On la prend par les épaules, on lui plaque le dos au sol. Elle se raidit, s'immobilise, ouvre les yeux qu'elle avait fermé.

Le visage de Garack la surplombe, inquiet, large et enfantin. Salta hoquète de surprise. Il la lâche, se redresse sans un mot, et montre du doigt le corps de l'autre soldat. Il regarde dans son dos, sa nuque brisée. Salta frissonne, attrape ses guenilles et les enfile vivement, les yeux braqués sur le cadavre. Les coups ne pleuvaient pas sur elle, les deux hommes se sont battus. Salta glisse un regard sur Garack. Il ne la lâche pas des yeux. Elle s'approche, et serre son poing de toute la force de sa reconnaissance sur la manche de la chemise de l'ours. Elle ne le regarde pas. Elle prend une inspiration. Bon... Maintenant, réfléchir.

" Prends son argent. "

Fouiller le cadavre, c'est au-dessus de ses forces, et son ventre se soulève rien qu'à le voir faire. Elle espère qu'il y aura beaucoup d'écus. Sa bourse s'essouffle...

[MDJ : Que trouve-t-on dans les poches du mort ? Ah voui zut, pis j'ai dépensé 5écus dans le bateau, au post précédent ^^ si vous pouviez me les retirer x) ]
Erg : Tu trouves 30 Ecus et une bague de cuivre.

Garack retire une petite bourse, la pose près de lui, fouille encore en vain. Autour du cou du soldat, son cou atrocement arqué, une bague de cuivre pend à une cordelette de cuir. Garack l'arrache, le corps tressaute et le coeur de Salta vient s'écrabouiller derrière ses dents. Garack se relève lentement, observant ses gains. Il saute de Salta à ses mains, une fois, deux fois, puis les tend, largement ouvertes. Salta prend la bourse sans se presser, la vide écu par écu dans la paluche toujours offerte. ... 29, 30 écus. Un sourire satisfait et cynique se compose sur son visage. Elle ne montre pas son trouble, sa nausée, sa fatigue. Elle prélève 15 écus, hésite, en prend 5 autres, maintient sa main en suspension, puis les laisse à nouveau choir. Elle ajoute ses pièces à sa bourse, et referme la main de Garack sur le tas restant.

Elle fuit les yeux de Garack, hait la reconnaissance larmoyante qui, elle en est persuadée, habite ses grandes pupilles idiotes. Elle se penche alors sur l'autre paume, avec, au centre, recroquevillée timidement, la bague de cuivre et sa cordelette. Salta la prend, l'observe tout en réfléchissant. Non, trop de risques. Elle referme son poing dessus, s'éloigne de quelques pas, creuse le sol de ses ongles, y lâche l'anneau, referme, pose une pierre dessus, et se relève avec lenteur.
Elle parcourt la scène des yeux, et se passe la main sur le cou. Elle pose enfin son regard sur Garack, et le considère un moment. Comment on va s'dépêtrer de ça nous...

Elle soupire.

" On y retourne. Si y posent des questions, j'me suis enfuie, il m'a poursuivie, il est tombé et toi tu m'as rattrapée. Comme c'est évident s'pas ton genre d'être... vilain... 'vec les femmes, tes compatriotes comprendront. 'Pis si on nous pose problème, c'est moi qui l'ai tué. Et toi, tu t'tais ! "

Garack avait ouvert la bouche, protester. Mais il la clot bien vite, la dernière phrase l'a touché, trop acide, elle a percé jusqu'à sa cervelle. Il pique du nez. Salta prend la route du retour. Il parviennent au groupement, qui s'agite de plus en plus. Un homme grand et maigre s'approche d'eux à grandes enjambées. Garack prend un pas d'avance. Le soldat jappe :

" Où est Burgün ! "

" L'est creuvé... "

" QUOI ? "

" ... "

" ... "

" ... "

" Et comment que c't'enfoiré s'est creuvé hein ? "

" L'est tombé. 'Voulait la fille, l'est partie en courant, l'est tombé dans un fossé. Claquée, la nuque. "

Le soldat hoche la tête, plonge ses yeux dans ceux de Salta, toute menue à côté d'eux, qui tient vaillament son menton bien haut et se prépare mentalement à une nuit sans sommeil. Oui chéri, j'ai vu, t'as compris, j'me tiendrai à carreau... Le soldat tourne les talons, et Garack, après une hésitation emplie de repentir dégoulinant la bonne foi, se dirige vers les chevaux. Salta le suit de près, scotchée à son ours protecteur. Sans mot dire, la gorge sans doute trop nouée, Garack lui montre une bête. Un bai fin, aux sabots lourds et à l'oeil petit qui mâchonne son mors : la monture de Burgün. Salta hoche la tête.

Commence l'attente. Le départ se traîne. Salta reste près de la tête de son cheval. Elle le caresse, lui parle, gagatise, lui fourre les doigts dans la bouche, dans les oreilles, autour des yeux. Il s'énerve, s'irrite, frappe le sol du sabot. Salta le calme alors, avant de l'agacer à nouveau. Cela dure un bon moment. Et puis :

" ENNNN SEEEEEELLE ! "

Prestement, elle détache le cheval, l'écarte, grimpe sur son dos et talonne. Elle cherche son ours, le trouve, le rejoint, et se place dans son sillage. La monte ne lui pose pas de problème, pendant trois ans elle gardait les boeufs, et pas à pieds. La troupe s'ébranle lentement. Salta se calque sur l'allure de Garack, à l'intérieur du cercle des gardes. Parfait. On est partis pour la nuit. L'obscurité devient opaque, Salta se cale dans sa selle.

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L'aube pointe à peine, tout le monde est silencieux, pas d'escarmouche pendant le trajet. Le rythme des pas du cheval berce, assoupit, étourdit. Salta sursaute quand une mouche lui frôle l'oreille. Sryam est en vue. Ses hautes tourelles, beige cireux, que quelques notes de lumière jaune et or viennent étouffer. Des langues de brume dérivent entre les toitures rouges et brunes, les arrêtes s'affûtent lentement, avec la progression du groupe fatigué. Salta voit se ruer à elle une étape de plus à son errance sans but, et un abattement sans nom s'écrase sur sa poitrine. Elle accueille d'un oeil morne, presque douloureux, l'apparition de la Porte de la ville...

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[MDJ : j'ai pris 15 écus ; j'ai jeté la bague. Merci d'me les rajouter ]
Erg : J't'enlève ça, j'avais déjà ajouté.