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 [Glorac] Un chemin à l'avenant.

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Glorac
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MessageSujet: [Glorac] Un chemin à l'avenant.   [Glorac] Un chemin à l'avenant. EmptyDim 13 Avr - 16:08



(Le premier post, éponyme, a été supprimé par mes soins. Nouvelle orientation, que je comptais amener plus tardivement mais qui au final s'avère être la meilleure.)

[Post n°58]
<Glorac>



Le barde avait tout d'abord prit la route, mais il avait étrangement été attiré par un champ de fleur, puis un papillon, puis... Il s'était perdu. Enfin, pas exactement. Il savait parfaitement où lui était, c'est partout ailleurs qui avait disparu.

*Bon bon bon, où c'que j'suis tombé ?*

Le barde avait atterri devant un bosquet. Un drôle de bosquet embrumé. Glorac, pourtant familier de ces contrées au fil de ses errances, ne reconnaissait pas l'endroit. Ni ne se souvenait des chemins qui l'y avaient conduit. Mû pas sa curiosité, il avança jusqu'à l'orée des arbres. D'où sortit quelque chose d'étrange.

Ca avait du être un humain, quelques siècles auparavant. Quand sa peau ne ressemblait pas à du très vieux parchemin, et qu'il ne marchait pas sur sa barbe tellement blanche qu'elle semblait presque translucide. Ah, et que son dos ne formait pas un angle aussi aigüe.

- Olà l'ami, dit le barde, saurais-tu où c'qu'on est ? C'coin m'dit rien du tout...
- Enfant des rue et du vent, ne reconnais-tu donc point ton propre esprit ?
- Euh, j'vois pas c'que tu veux dire, mon esprit est plus embrumé et moins ordonné qu'ces bois, l'Ancien.
- Comment expliques-tu dans ce cas, Ô Aérien, que cet endroit ne figure sur nulle carte, nulle mémoire, n'existe simplement pas ?
- A toi d'me l'dire l'ami. Et explique aussi pourquoi tu m'appelles « enfant du vent » et « Aérien », tant qu'à faire...
- Tu dois découvrir toi même tes réponses, Fol. Elles sont enfouies au fond de toi. Dans ton Essence profonde, les secrets de ta naissance. Sache juste que la route sera longue, et que tu ne comprendra peut être jamais, ne saura jamais... Sauf si tu oses affronter tes rêves, oses aller au bout de tes visions. Maintenant, réveille toi.



Le barde ressentit une violente douleur. Il était étalé par terre, il avait apparemment trébuché sur une pierre et s'était écorché les coudes et les mains dans sa chute. Ce qui lui avait, soit dit en passant, sauvé la vie. Il était tombé à quelques pas d'un ravin.

Le Fol ne s'expliquait toujours pas ce qui lui était arrivé. Il s'était comme endormi, en continuant de marcher, et s'était perdu dans les méandres de son onirisme, le labyrinthe de son esprit vagabond et insaisissable. Cette vision rejoignait étrangement une sorte de rêve, à jamais gravé dans sa mémoire, qu'il avait fait un an plus tôt. Qui l'avait intrigué. Et qui maintenant l'effrayait. Le Vieux lui rappelait étrangement celui qui lui apprit son premier conte, un être à la fois mythique mais ayant eu une réalité. Le Sage.

Il fallait qu'il sache. Il se releva précautionneusement, puis il chercha à s'orienter, et revint peu à peu sur ses pas. Il devait aller voir la bibliothèque de Port Pergas, pour commencer, puis toutes les autres sources de connaissances. A savoir, ses confrères. Et les sorcières et mages, devins et druides, prètres... Tous ceux qui pourraient infirmer ou confirmer ses soupçons.

*En route, voyons c'que la tradition peut m'apprendre. J'aurai du m'pencher la d'sus dès ma vision. J'n'ai qu'trop trainé près du lac.*

Il se mit à marcher à vive allure, l'esprit concentré sur son trajet.
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MessageSujet: Re: [Glorac] Un chemin à l'avenant.   [Glorac] Un chemin à l'avenant. EmptyMar 15 Avr - 14:03


[Post n°59]
<Glorac>





Le barde marchait d'un bon pas, dans la lumière rasante de la fin de journée. Le crépuscule teintait le paysage légèrement boisé qu'il traversait de tons roses et orangés, adoucissant et estompant les contours des choses. Une lumière mordorée tombait d'entre les feuillages, qu'une légère brise agitait, faisant doucement bruire les rameaux.

* 'Faudrait p't'être un d'ces jours que j'me décide d'mettre des mots sur c'genre d'décors, faire r'sortir la paix et l'calme des bois après une longue journée d'marche. *


Glorac cherchait des yeux un endroit à l'écart de la route où passer la nuit. Il jeta son dévolu sur un espace dégagé, proche d'un rocher dressé à la manière d'un menhir, à une quinzaine de pas de la route, peu visible. Il ramassa quelques mûres dans un roncier proche, ainsi que d'autres baies sauvages, et en fit son diner.
Après quoi, le barde fit un tas de feuilles qui lui servirait de matelas, puis s'assit en tailleur en s'adossant au rocher. Il lui fallait réfléchir à la signification de ses visions, et surtout établir un plan de recherches, de connaissances à contacter pour l'aider dans sa tâche. Fatigué par sa journée de marche, sans vraiment s'en rendre compte, Glorac s'assoupit.


Il fut réveillé en sursaut quelques heures heures plus tard. Il faisait nuit noire. Il entendait une douce mélodie, des accords à la fois joyeux et apaisants. Un air qu'il connaissait lui même. Il tira sa flûte de sa ceinture et suivi les mesures du Chant de Paix, levant les yeux vers les étoiles, puis vers le sommet du menhir, où était assis un de ses confrères. Et pas n'importe lequel.
Les doigts du nouvel arrivant volaient lestement sur les cordes et le manche d'un magnifique luth, décoré de marqueterie complexe. Il était vêtu, de bottes de cuir noir lacées, d'un pantalon de lin bleu nuit de très bonne coupe, d'une chemise de soie bleu pastel et d'une cape bleu nuit dont l'ample capuchon était rabattu sur son visage. Dans son dos, passé en bandoulière, pendait un autre instrument à cordes d'excellente facture : un théorbe aux incrustations en filigrane de motifs d'argent traditionnels, runiques, ou encore végétaux. A sa ceinture pendait une rapière, de très bonne qualité mais non décorée, qui devait coûter à elle seule le prix des deux instruments réunis.

Les dernières mesures conclurent le duo nocturne. S'en suivirent quelques secondes de silence recueilli où les deux ménestrels s'imprégnèrent des dernières vibrations de l'air dues à leur musique. Puis commença leur discussion.

- Alors le Fol, qu'est-ce que c'est que ces manières, de disparaître de si longs mois ? Tu as inquiété tous tes frères et soeurs, sais tu, mon ami ? dit le joueur de luth, d'un ton amusé.
- J'avais besoin de faire le point, Grand Frère. Renouveler les textes, et réfléchir...

Grand Frère... Un surnom donné par la majorité des poètes et troubadours qui, s'ils n'étaient pas forcément gosses des rues, abandonnaient tout pour leur Art. Grand Frère avait un nom à particule, non usité par ses semblables. Il était cadet d'une grande famille, qui avait la particularité d'être extrêmement sensible aux arts, et encore plus aux arts du coeur, donnés sans retenue et dans l'honnêteté la plus totale. L'art des rues en était le meilleur exemple, et la famille du Grand Frère était souvent dispensatrice de largesses envers les trouvères de passage. Et ne s'était pas opposée à la vocation de barde de son cadet, qui avait alors pris la route, en gardant contact et se faisant mécène de ses frères et soeurs cheminants. D'où son surnom et nom d'artiste. Il se faisait de même porte parole de la cause des itinérants auprès des villes, son patronyme étant une clef sans pareil face aux portes des administrations.

- J'dois comprendre certaines choses, j'dois consulter les Savoirs des livres et des hommes, Grand Frère. M'y aid'ras-tu ?
- C'est donc vrai, ce qu'a dit l'Artiste. Pour la première fois de sa vie, Glorac le Fol a une obligation. Ta vision de Larme du Poète t'as donc tant chamboullé que ça ? le ton du noble trouvère était devenu grave.
- J'en ai bien peur. C'pas la seule vision qu'j'ai eu qui m'ait effrayé ces derniers temps...
- Eh bien, soit. Je vais t'aider, mon ami. Où que tu ailles, tu trouveras la porte des bibliothèques ouvertes. Où te conduit la route ?
- Elle me mène d'abord à Port-Pergas...
- Bien. Quant à moi, elle m'emporte vers Amresia. Tu n'auras qu'à suivre mes traces une fois tes affaires pergasiennes menées à bien...
- Merci, Grand Frère. J't'en s'rai redevable.
- On verra, dit le noble dans un sourire. En attendant, finissons la nuit portés sur le flot de nos rêves, veux tu ?


Les deux artistes firent un second matelas de feuilles, puis se laissèrent aller au sommeil.
A son réveil, Glorac ne vit plus trace du Grand Frère, qui avait déjà repris la route.

* Eh bien, direction l'Port ! Plus qu'deux jours de marche, et j'pourrai commencer mes r'cherches. *




[Action suivante dans : Norgad, Les routes de Norgod, "Kanagan Do - Mauvaise rencontre"]
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Glorac
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MessageSujet: Re: [Glorac] Un chemin à l'avenant.   [Glorac] Un chemin à l'avenant. EmptyVen 18 Avr - 20:15

[Post précédent dans : Norgod, Les routes de Norgod, "Kanagan Do' - Mauvaise rencontre..."]


[Post n°63]
<Glorac>




Le barde avait repris la route une heure avant l'aube, le ciel commençant déjà à s'éclaircir. Ses rêves n'avaient, cette fois, rien eu d'un songe symbolique. Il n'avait non plus eu de visite nocturne. Il jeta un dernier regard aux deux pauvres hères qu'il avait sauvé la veille de brigands.

* Bonne route, messieurs. Que vot' chemin soit exempt d'dangers. *

Sur cette pensée relativement positive vis à vis des deux dormeurs, il prit la direction de Port-Pergas, coupant par moments à travers bois quand la route n'était pas assez directe à son goût.


_____________________



Durant un de ses passages forestiers, le barde entendit un craquement derrière lui. Il se retourna vivement, et aperçu deux petites créatures verdâtres. Chacune n'était vêtue que d'un pagne d'aspect répugnant et armée d'une branche épaisse en guise de gourdin.

* Des gobelins... C'bien ma veine, tiens, des brutes hier et des bestioles stupides aujourd'hui... *


Il assura une prise convenable sur son bâton, et chercha das yeux un endroit qui ne le désavantage pas trop. Il ne fallait pas espérer fuir devant ces petites teignes, aussi idiotes que hargneuses. De plus, son arme lui serait de peu d'utilité sous les frondaisons car il ne bénéficierai que de peu d'amplitude. Il allait devoir se servir de ses pieds et de ses poings.
Les deux créatures se mirent à courir dans sa direction. Le barde fit un mouvement sec de bas en haut devant lui avec son bâton quand elles arrivèrent à portée. Le gobelin le plus rapide reçut le coup sous son oreille droite. Ses yeux se voilèrent, il trébucha et s'étala de tout son long. C'était un adversaire de moins pour le moment, mais il ne resterait pas assommé très longtemps.
Quant au second, il prit une impulsion et sauta littéralement à la gorge du barde, qui se trouva avec un gobelin enragé accroché à lui et plantant furieusement ses petites dents pointues dans son épaule droite.

Glorac laissa échapper un cri en même temps qu'il lâchait son bâton. Il agrippa le gobelin et tenta de lui faire lâcher sa prise. La seconde bestiole se relevait. Le trouvère le remarqua et , toujours en se démenant avec le monstre, lui décocha un violent coup de pied. Il tentait avec la plus grande fermeté de se libérer de la poigne de son adversaire.
Le gobelin à terre lui saisit les chevilles et, d'une traction violente, réussit à le déséquilibrer. Le barde fit une visite éclair à l'humus forestier, ce qui eut pour conséquence de déserrer légèrement la prise de son encombrant et douloureux poids. Le barde en profita pour, dans un hurlement et une grimace de douleur, l'arracher de son épaule. Il y laissa un morceau de muscle d'environ trois centimètres de côté, que l'autre, par réflexe se mit à mâcher tout en gesticulant.

- Sale bête, t'vas voir si j'suis que d'la boustifaille pour gobs' imbéciles ! dit le barde d'un ton sec, claquant comme un fouet.

La colère était un sentiment relativement éloigné du caractère du troubadour. Cependant, à cet instant précis, il était furieux contre ces deux saletés agressives, il avait mal, et surtout, il ne voulait pas mourir. Il se releva d'une roulade, ce qui lui valut un autre cri de douleur quand son épaule blessée toucha le sol. Il avait saisi au passage la jambe du gobelin sauteur, et s'aida de son élan pour, une fois relevé, le projeter contre un arbre. La créature fut assommée sur le coup.

Le gobelin à terre se relevait. Il avait apparemment récupéré de la visite de la botte du ménestrel. Le barde se précipita sur lui et le saisi à la gorge de sa main valide. Il n'interrompit pas sa course et s'aida de son élan pour cogner la tête de son fardeau contre un arbre proche. Plusieurs fois. La petite créature poussa des cris stridents, puis se tût. Le barde continua quelques instants avant de se rendre compte que son avant bras était couvert de sang. Il avait fracassé la tête de son adversaire contre l'écorce.
Glorac sentit un choc et une douleur au niveau de sa hanche. Il se tourna vivement, ce qui ne lui servit qu'à recevoir un violent coup de branche dans le ventre. Il fût plié en deux sous l'impact et sentit le souffle de l'arme que le gobelin levait à nouveau. Il se laissa tomber au sol pour éviter ce qui aurait du être un magistral coup sur sa nuque et déséquilibra son adversaire d'une traction sur ses chevilles.

* Ca sent vraiment mauvais c't'histoire. Faut que j'me débarrasse de cette teigne au plus vite, ou j'vais y laisser la peau. *

Le barde avait réussi à reprendre son souffle, et le gobelin qu'il avait fait choir, bien que désarmé, n'était plus étourdi. Ils eurent tous deux la même idée. Des mains griffues et verdâtres volèrent vers la gorge du barde, qui cherchait lui aussi à étrangler son ennemi. Les deux belligérants roulèrent dans les feuilles mortes du sol de la forêt. Le barde commençait à suffoquer. Il tenta de se relever, pour profiter de l'écart de taille avec le monstre, mais n'y parvint pas. Il lacha la gorge du gobelin et commença à le rouer de coups de poings, se démenant comme un beau diable.
La prise du gobelin se déserra légèrement, le barde inspira autant qu'il pu, remplissant ses poumons qui lui hurlaient leur mécontentement d'être privé d'air depuis de trop longs instants. Glorac continua de bourrer de coups la bestiole, qui finit par le lâcher, et réussi inverser leurs positions. Il se mit à genoux au dessus de lui et entreprit de continuer de le frapper. Sans interruption. Le gobelin lui griffa le torse et les bras, cherchant à l'éloigner, faire cesser cette pluie de coups, et créant autant de plaies et écorchures. Le barde, fou de douleur, le frappa avec d'autant plus de hargne. La bestiole ne bougeait plus, le barde arrêta là le carnage. Il était couvert de sang, et avait mal partout.

* J'avais pourtant prévenu les deux autres des dangers des bois. J'aurai p't'être dû suivre mes propres conseils... *


Glorac entreprit de trouver un cour d'eau pour nettoyer ses plaie, puis de sortir de la forêt au plus vite. Il se releva tant bien que mal, ramassa son bâton et s'éloigna en boitillant et en grimaçant de la sinistre scène. Le barde devait aussi se remettre émotionnellement de son combat, qu'il avait subit comme une explosion de rage frénétique au moins aussi destructrice pour son mental que les attaques des gobelins l'avaient été pour son physique. En bref, il lui fallait un repos qu'il n'aurait pas le temps de chercher dans ces sous-bous. La forêt, habituellement source d'inspiration pour le troubadour, revêtait pour l'instant une dimension lugubre et hostile qu'il voulait fuir au plus vite.
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MessageSujet: Re: [Glorac] Un chemin à l'avenant.   [Glorac] Un chemin à l'avenant. EmptyDim 20 Avr - 0:24

[Post n°64]
<Glorac>




Le barde était passablement fatigué. Il marchait d'un bon pas, lorsqu'il entendit un bruissement caractéristique. Un cour d'eau. Sur sa gauche, sans doute à quelques dizaines de pas. Il bifurqua de l'espèce de sentier qui, il l'espérait, le ramènerait à la route empierrée.

* J'vais pouvoir m'nettoyer ces foutues blessure. Sal'tés d'gobs. *

Ronchon et boitillant, le troubadour arriva au bord du cours d'eau, plus précisément d'une source qui creusait un sillon s'élargissant assez rapidement, formant un ruisseau paisible et apaisant. Le barde se rinça directement à la source, qui jaillissait d'un espace entre deux rochers à la base d'un talus. Il entendit un bruit de feuilles mortes foulées. Il se retourna prestement, grimaçant de douleur car tirant sur les plaies de son torse.
Devant lui, à cinq pas, lui coupant toute retraite, se tenait un grand loup gris. La bête était magnifique, dans la force de l'âge, bien découplée. Ses yeux dorés étaient rivés à ceux du barde.

- Eh ben, l'ami, tu viens d'trouver ton dîner on dirait, dit le barde, résigné.
- Nabar ne t'attaquera que si tu fais le moindre geste semblant, de près ou de loin, agressif envers lui ou envers moi. Ne te retourne pas, sinon c'en est fait de toi. Qui es-tu ?

Le barde était surpris. Il venait de passer du statut de diner pour loup à celui de possible diner pour loup. Une légère amélioration, qui pouvait encore s'accentuer selon sa réponse. À la voix qui avait retenti dans son dos, il n'arrivait à donner un âge. Elle était masculine, et peu engageante, c'est tout ce que ses oreilles daignèrent lui dire.

- J'm'appelle Glorac, on m'appelle "le Fol". J'suis barde.
- Et bien, barde, il est vrai que tu dois être Fol pour croire qu'on peut souiller une source aussi impunément.

Le loup fit un pas vers lui.

- Bon, puisque j'suis destiné à crever sous les crocs d'vot' pote, j'peux au moins savoir à qui j'parle ?
- Erlijioa, dit "le Juste". Je suis druide, répondit la voix, avec un accent relativement moqueur.
- Et bien, l'druide, vous n'ferez, vous et vot' bestiau, qu'achever c'que de stupides gob'lins ont entamé. J'faisais qu'nettoyer mes plaies, j'crois pas savoir qu'un peu d'sang et d'eau mêlés souillent à c'point l'sol de la forêt.
- Des gobelins dis-tu ? Intéressant... Comme il est aussi amusant de te voir si calme, alors que je viens de te confirmer une mort violente...

Le trouvère eut un haussement d'épaules. Après tout, si un druide et son familier décidaient qu'il méritait d'être mis en pièces, que pouvait-il y faire ? Cependant, Glorac remarqua que le loup, Nabar, s'était arrêté dans sa progression.

- Deux p'tites teignes ouais, m'ont salement amoché...
- Et où vas-tu, barde ? le ton du druide était moins hostile.
- Dans l'agitation des hommes, druide. Port-Pergas, voir mes frères et soeurs de route. B'soin d'infos sur un truc.
- Tu te poses donc des questions... Ne sais-tu donc rien sur ces interrogations qui te rongent, toi qui te targues d'être un Gardien des Traditions ? N'es tu capable de faire le lien entre tes visions et les contes ?

Dans le plus total mépris de l'ordre initial du druide, le barde se retourna. Il n'eut pas beaucoup de temps pour voir son vis à vis, il remarqua tout de même, perché sur le talus, un homme vêtu d'une espèce de tunique de feuilles, des oreilles pointues et une barbe grise relativement fournie. Il sentit un choc dans son dos. Il vit le sol s'approcher à toute vitesse. Il sentit la douleur de ses plaies heurtant l'humus, de sa cage thoracique comprimée par le poids de la masse grise et grognante perchée sur lui.

- Suffit, Nabar. Notre... invité veut sûrement répondre à ma question, n'est-ce pas ? demanda le druide, narquois.

Le loup libéra le barde de son poids et se recula sans le perdre de vue. Le ménestrel se redressa en grommelant des mots sans suite. L'homme était effectivement vêtu d'une tunique de feuilles liées ensemble par des espèces de fils végétaux. Il avait des oreilles pointues, certes, mais sa stature et sa pilosité étaient celles d'un humain. D'un humain vieillissant, donc d'un très vieux demi-elfe. Le barde déduisit qu'il vivait dans ces bois en ermite.

- Pour l'enseignement, j'ai suivi l'Sage, mais même lui n'pouvait tout savoir. Même si sa mémoire était impressionnante. Et comment sais-tu d'quoi j'rêve, druide ?
- Les plantes. La méditation. Mes propres songes. Le Sage était donc ton maître... Je l'ai croisé plus d'une fois en ces bois. Un homme charmant. Et je vais te laisser chercher tes réponses, gamin. Je ne vais pas t'empêcher de finir ta route, tu me sembles respectable, pour un tire-laine baragouineur. Approche.

Glorac hésita quelques instants, mais ne voulut pas froisser son hôte. Il obéit donc, de peur que son interlocuteur ne change d'avis.

- Le Sage était même un ami, dit le druide en sortant des herbes des sous-bois d'une bourse pendant à son cou, sous sa tunique. Et j'aime bien faire peur aux imprudents, puis faut bien nourrir Nabar hein... Les gobelins et les p'tits lapins, c'est bien, mais un imbécile pompeux et irrespectueux de temps en temps, c'est plein de bonnes choses, pour un loup qui veut garder la forme. Si ça te dit, j'ai une jolie collection de chapeaux à plume dans ma grotte...
- Euh, non merci Erlijioa. C'pas mon style ces trucs de poètes de cour...

Le druide sourit, puis se mit à mâcher les plantes. Il cracha l'espèce de bouillie verdâtre ainsi obtenue dans sa main, et l'appliqua sur les plaies de Glorac, consciencieusement, remplissant même le trou dans son épaule. Le barde grimaça de douleur et de dégoût.

- Fait pas cette tête, petit, s'esclaffa le vieil ermite.

Sur ces mots, il marmonna des sons semblant sans suite. La mixture qui couvrait chaque plaie du troubadour prit une teinte violacée. Et se mit à puer affreusement.

- Tu gardes ça une journée et il n'y paraitra presque plus. Tu n'auras que quelques traces, et tes muscles te tireront un peu pendant deux ou trois jours. Si tu forces tant que ça tire, ça se rouvrira par contre.
- Euh... Merci. Vraiment.
- Pas de quoi, gamin. En espérant te recroiser dans le coin. Et maintenant, file, avant que je ne décide que Nabar ait besoin de se défouler...

Le barde ne se le fit pas dire deux fois. Il ramassa son bâton et partit d'un bon pas. Il se retourna après quelques dizaines de pas, pour apercevoir le druide en pleine discussion avec son familier.
Glorac nota mentalement le nom de son soigneur et celui de son loup, pour un conte ultérieur, puis entreprit lui aussi de parler philosophie à un papillon. Le soleil était à son zénith, s'il ne faisait plus de mauvaise rencontre il arriverait au Port avant que Këgoh ne se retire à l'horizon.




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